Histoire économique de la France entre les deux guerres (1931-1939). T. II
Dans notre numéro de décembre 1966, nous avions rendu compte du premier tome de cet ouvrage, en insistant sur l’importance de celui-ci. Le deuxième tome ne nous fera pas changer d’avis sur l’intérêt de cette histoire économique, qui se lie si étroitement à l’histoire générale de notre pays et en explique tant d’aspects.
Présentée chronologiquement, avec les pauses nécessaires pour les interprétations et les commentaires, cette histoire des dix années qui précèdent la seconde guerre mondiale laisse à l’auteur une impression pénible : « Les années 1930, écrit-il, représentent, sur le plan économique, les années les plus sombres, les plus tristes de notre histoire ».
Pourquoi ? Deux périodes se sont successivement affrontées aux conditions du temps présent ; au cours de la première, la droite a eu le pouvoir ; la gauche au cours de la seconde. Les méthodes inspirées par des doctrines différentes n’ont pas eu de meilleurs résultats.
Pour la première fois – si l’on excepte la période 1910-1920 pendant laquelle la Première Guerre avait ravagé le pays – la production a baissé de 10 %. Mais à nouveau, pourquoi ? Parce que répond Alfred Sauvy, les Français ont vécu dans le présent sans se préoccuper de l’avenir, parce qu’ils ont pratiqué un malthusianisme économique, laissant peu à peu s’effriter le capital national et ne prévoyant pas que leur relatif confort, qui se développe, le fait au détriment des investissements dont dépend l’avenir. Notre économie se délabre.
L’approche de la guerre, en 1939, va faire prendre conscience du danger ; mais le déclenchement des hostilités et leur lamentable déroulement vont accuser définitivement un retard dont il faudra que la France se relève. Le Code de la famille, établi par décrets, hors du Parlement et dans l’indifférence de l’opinion, posera enfin les bases d’un renouveau démographique, « La France se tourne vers sa jeunesse ». Mais la jeunesse met longtemps à grandir, et bien des fautes d’alors ont encore actuellement de lourdes répercussions.
Les Français et leurs dirigeants ignoraient les données économiques et tentaient de résoudre en termes politiques des problèmes qui ont d’abord une base technique. L’ignorance des faits économiques pèse lourdement sur notre histoire.
Le lecteur familier des idées d’Alfred Sauvy les retrouvera ici, étayées de preuves, de chiffres, de statistiques, de démonstrations auxquelles il est difficile de ne pas se montrer sensible. Une bonne façon de comprendre l’influence immédiate ou à échéance des phénomènes économiques est précisément de lire cet ouvrage.
Un troisième tome est annoncé ; il contiendra des études portant sur les grands faits économiques au cours de la période considérée.