Le socialisme de Lénine
Le titre de cet ouvrage nous semble incomplet. L’auteur y traite davantage de ce socialisme à l’épreuve des faits, que de sa nature profonde. On peut aussi se demander si cette étude sur un cas particulier – mais combien important – n’est pas en définitive une introduction au dernier chapitre dans lequel Jean Laloy exprime ses propres opinions sur les perspectives ouvertes dans le monde présent et sur la nécessité d’un renoncement aux attitudes intransigeantes pour adopter une compréhension bien proche de la charité chrétienne envers tous les hommes.
En effet, l’auteur analyse les réactions de Lénine au contact des réalités du pouvoir et de la vie active, dès qu’il revient en Russie en avril 1917 et s’y livre à l’intense action qui aboutira à la révolution d’Octobre et à la prise du pouvoir par les Bolcheviks. Ses opinions théoriques sur l’organisation de l’État, sur les relations internationales, sur les possibilités de déclencher une révolution universelle, et plus encore sur les chances de transformer l’homme et sa mentalité, se heurtent aux faits qui les contredisent bien souvent. Pour que la théorie triomphe, il faut la confier à un parti ; c’est le grand legs de Lénine au socialisme : si le parti structuré du communisme n’avait pas existé, que serait devenue la révolution russe ? Et même en disposant de cet instrument de force et de persuasion, tout autant que d’encadrement, Lénine a dû admettre d’infléchir ses idées rigides. Staline devait utiliser tout autrement, mais pour un temps, cet outil d’avant-garde.
Les aspirations qui inspiraient Lénine continuent d’exister, mais la méthode s’est montrée insuffisante. Cinquante ans après 1917, il est possible d’en juger, en URSS et plus encore dans les autres pays communistes. C’est donc que l’homme aspire à autre chose qu’à une explication rationnelle de sa présence sur la terre et de l’histoire qu’il y écrit. Le besoin de spiritualisme dépasse, en fin de compte, celui des explications uniquement matérialistes. Et la voie nouvelle est de chercher à faire servir aux fins d’une justice meilleure entre les hommes le message de Marx, repris par Lénine, et d’autres messages, moins rigoureux et plus humains, donc plus vrais.