Les secrets d’une reddition
L’ancien chef de la CIA, déjà connu par plusieurs ouvrages, était en poste à Berne à la fin de la dernière guerre mondiale. C’est en cette qualité qu’il dirigea, du côté allié, les prises de contact et les premiers pourparlers avec les généraux allemands commandant les forces du Reich en Italie, notamment avec l’un d’entre eux, le général SS Wolf. Comme on le sait, l’affaire aboutit à la capitulation inconditionnelle des armées allemandes et fascistes le 2 mai 1945. Mais on ignore généralement le détail de ce véritable roman d’aventures vécues. Allen Dulles le donne dans son livre avec une abondance de précisions qui ne nuit nullement à la clarté de l’ensemble du récit. Sans doute cet ouvrage est-il l’un des mieux venus de ceux qu’a inspiré la « guerre secrète ».
Les amateurs de sensations et de suspenses le liront avec intérêt. Mais les autres lecteurs aussi. Car derrière les faits, se joue un véritable drame dans lequel se mêlent les intérêts personnels légitimes ou mesquins, et les problèmes les plus ardus et les plus pénibles qui puissent se poser à un chef au combat. Les généraux allemands savaient la guerre militairement perdue sans espoir ; ils désiraient éviter l’accumulation des morts et des ruines inutiles ; ils n’ignoraient pas d’autre part les tentatives que leurs supérieurs, dans l’entourage même de Hitler, faisaient de leur côté pour entrer en contact avec les Occidentaux, afin d’empêcher les Soviétiques de s’avancer profondément dans les pays de l’Europe centrale, mais aussi pour sauver leur situation personnelle. Ils recevaient d’eux l’ordre de se battre, de résister à outrance ; le serment à Hitler les obligeait encore à un loyalisme auquel ils ne croyaient plus. C’est ce drame humain, avec ses petitesses, mais aussi ses grandeurs, qu’évoque le livre de l’auteur ; au-delà de la technicité difficile d’une vaste opération de renseignements, il faut voir les hommes en proie à leurs passions et à leur désespoir.