Histoire de l’épuration. T. I : De l’indulgence aux massacres (novembre 1942-septembre 1944)
« Une histoire de l’épuration ne peut contenter personne, écrit l’auteur dans son avant-propos, mais elle pourrait aider à apaiser certains esprits ». Robert Aron a choisi de multiplier les faits, les exemples, et, par suite, de donner à son œuvre une très grande dimension qui aurait pu risquer de nuire à la démarche générale de l’expression de sa pensée, s’il n’avait pris si attentivement soin de ne pas laisser écraser celle-ci sous les détails. L’épuration n’a pas été monolithique ; elle a revêtu des aspects très différents suivant les lieux et les moments. Les lecteurs qui peuvent se souvenir de cette triste période sont fatalement marqués par les événements dont ils ont été les acteurs, les victimes ou les témoins : il était donc excellent qu’un tableau d’ensemble, aussi diversifié que possible, leur fût présenté pour corriger ou nuancer ce que leur propre jugement pouvait avoir de subjectif. Pour ceux qui, plus jeunes, n’ont pas connu l’époque, il est probable que le livre de Robert Aron apportera des lumières nouvelles et fera comprendre les raisons des séquelles encore sensibles de l’épuration.
Le sujet était à la fois difficile et délicat. L’auteur montre à quel point des deux côtés, et dans chacune des fractions qui composaient alors une opinion également sensibilisée et traumatisée, la passion l’a emporté sur la raison et bien souvent sur l’intérêt national bien compris. Les événements peuvent sembler, après coup, si invraisemblables et si extravagants, que l’auteur a pensé nécessaire d’exposer en détail comment ont pu naître et se développer des sentiments d’intolérance si contraires, à tout prendre, à notre caractère et à nos coutumes. Ce premier tome, tout en racontant l’histoire de deux années, est donc une introduction explicative au second tome, qui décrira l’épuration en France métropolitaine.
Ouvrage solide, documenté, qui ne saurait encore prétendre être une histoire définitive d’événements si douloureux et encore si proches de nous, mais qui apporte une vue objective d’une question souvent si mal abordée et si mal décrite, et fait attendre avec un intérêt impatient la suite qui lui est annoncée.