Les Amériques Noires. Les civilisations africaines dans le Nouveau Monde
Cette étude est à la fois d’actualité et du plus grand intérêt. Que sont devenues, que continuent à devenir les civilisations africaines, telles que les avaient pratiquées les Noirs transportés en Amérique au moment de la traite, au contact d’autres civilisations, indiennes et occidentales, ainsi que d’autres conditions géographiques ?
Répondre à une telle question n’est pas une tâche facile. L’esprit se trouve fatalement et malgré lui entraîné vers des jugements que dictent des habitudes de pensée et des opinions politiques. Les unes et les autres n’ont rien de scientifique. Il faut donc mener une minutieuse et multiforme enquête pour esquisser une réponse qui ne soit pas marquée, plus ou moins, par une idée a priori.
L’auteur a pourtant fait œuvre de synthèse, dans les limites d’un ouvrage au demeurant assez court ; si le lecteur pressé y trouve son compte, le lecteur curieux reste quelquefois sur sa faim et voudrait en apprendre davantage sur certains développements. Roger Bastide a voulu faire œuvre d’ethnologue plutôt que de sociologue ; il s’est bien davantage penché sur les Noirs demeurés dans les conditions les plus modestes que sur ceux qui ont déjà gravi quelques échelons de l’échelle sociale ; ces derniers en effet ont « assimilé entièrement les valeurs et les normes de la société globale dans laquelle elle (leur classe sociale) s’insère ». Le Noir conserve d’autant mieux et plus longtemps ses caractères africains qu’il accepte davantage la domination du Blanc et n’entame pas une lutte de races ; lorsqu’il s’oppose au Blanc, il s’occidentalise mais se recrée une image mythique de ses origines africaines : c’est la « négritude ».
Ces quelques lignes suffiront-elles à faire comprendre tout l’intérêt pratique et immédiat présenté par cette étude scientifique, qui reste facilement accessible au grand public et lui apporte une information sûre sur les bases profondes de plusieurs grands problèmes actuels ?