La Grande Croisière
Dans ce volume extrêmement attachant, l’auteur – qui dissimule sous un pseudonyme discret sa qualité de colonel en retraite – offre au lecteur intéressé par l’histoire militaire de son pays, à travers les perspectives d’un roman de qualité susceptible de lui attirer les autres catégories de lecteurs, un témoignage chaleureux et fidèle qui mérite que nous nous y arrêtions quelques instants.
Jean-Paul Merville a choisi d’évoquer la résurrection d’une armée française écrasée par l’occupation en Métropole et presque étouffée en AFN, le retour à l’action et à la foi de cadres remâchant la débâcle de 1940, prêts à douter de leur vocation. Par le truchement d’un narrateur dépersonnalisé, mais qui est en fait un jeune lieutenant de tirailleurs, il nous raconte l’histoire d’un bataillon qui largue ses amarres et prend soudain le large pour l’aventure éclatante de la revanche, la campagne d’Italie et la campagne de France, en bref, pour la Grande Croisière.
Il s’est efforcé de faire connaître au grand public français, comment pensent, parlent, vivent et meurent les soldats de son armée, plus particulièrement ses officiers. Il le fait avec un remarquable talent d’écrivain, une plume vive, colorée, précise qui restitue pleinement ambiance et paysages. Grâce à lui, nous pénétrons dans le cercle fermé où s’élabore, en même temps que les humaines passions, ce ferment d’héroïsme et de foi, qui ne chasse pas la peur physique ou le désarroi devant la mort, mais permet de les dépasser et qui engendre les vainqueurs.
Ce livre, à la mémoire des officiers d’Italie et d’Alsace, vient à point, semble-t-il, pour fixer avant qu’ils ne soient oubliés par ceux qui les ont vécus, les jours glorieux du Garigliano, des Vosges et d’Alsace, pour donner aux jeunes officiers qu’aucune campagne heureuse n’a récompensé de leurs efforts et de leurs sacrifices, la certitude que leur préparation sévère, ingrate, quotidienne au combat est le seul gage réel de leurs victoires de demain.