La guerre à l’Est (1941-1945)
Voilà un livre remarquable. Le nombre de ses pages ne doit pas impressionner le lecteur. En même temps qu’une étude historique, c’est également et davantage une description de l’impitoyable combat entre les armées russes et allemandes au cours de la dernière guerre. Une élégante traduction française maintient le rythme des récits épiques et souligne les nuances du texte original. L’intérêt du sujet est doublé par le plaisir de la lecture. Des cartes simples permettent de suivre aisément les événements.
L’entreprise de Hitler contre l’URSS n’a sans doute pas fini d’inspirer les historiens. Dans ce livre qui, tout en faisant apparaître les ensembles, montre le souci du détail et souvent de la minutie de l’auteur, il reste encore, ouvertement signalés, des mystères et des énigmes. Toute la guerre n’était pas faite de manœuvres stratégiques et de combinaisons tactiques que les flèches schématisent sur un croquis. Elle est faite aussi des hommes, de leurs ambitions, de leurs rivalités. Alan Clark a le grand mérite de faire vivre les acteurs dans leur réalité vraisemblable ; qu’il s’agisse de généraux allemands ou soviétiques, il expose leurs attitudes et les raisons profondes et parfois cachées de leurs décisions. L’échec de la campagne de 1941 a-t-il eu pour origine la mésentente des chefs de l’armée allemande ? La poussée de Paulus vers Stalingrad – qui devait se terminer si tragiquement pour lui et son armée – son désir de se faire valoir et d’obtenir un poste supérieur ? On discutera longtemps là-dessus, sans jamais trouver sans doute une explication définitive ; mais l’introduction du facteur humain dans la guerre donne à celle-ci une tout autre résonance que la simple géométrie des manœuvres.
L’auteur aborde aussi un sujet souvent controversé ; celui de la participation personnelle de Hitler dans les opérations. Les généraux allemands survivants ont eu la naturelle tentation de rejeter sur le dictateur disparu la responsabilité des décisions qui se sont terminées en catastrophes. Alan Clark montre également qu’ils furent eux-mêmes responsables, sinon des décisions suprêmes, du moins des actes importants que leurs fonctions les amenaient à prescrire. Si la description de l’immense bataille est moins poussée du côté russe que du côté allemand, faute d’une documentation qui n’a pas été ouverte aux chercheurs, le livre n’en donne pas moins des indications précieuses sur les causes des défaites initiales et des succès postérieurs des armées soviétiques.
Nous conseillons tout particulièrement la lecture de ce livre vivant, animé, entraînant, qui offre un tableau coloré et puissant de ce que fut la guerre sur le front oriental.