Pacifisme et internationalisme
C’est une anthologie de textes choisis dans les ouvrages parus du XVIIe siècle à nos jours, de Grotius à Jean XXIII, sur le pacifisme et l’internationalisme que Marcel Merle estime être non pas « deux écoles de pensée différentes, mais plutôt deux genres littéraires », dont il étudie et illustre l’évolution.
Le pacifisme se manifeste de différentes façons, qui ne sont au demeurant pas très nombreuses, puisque le présentateur les limite à six : la paix peut être obtenue par la vertu, le droit, la politique, le progrès, la révolution, l’équilibre. Les tenants de chaque système se retrouvent à toutes les époques, dont chacune « voit s’affronter, selon des combinaisons variées, plusieurs conceptions de la paix et de l’organisation internationale ». Chaque époque a cependant une dominante dont la définition ne doit pas « masquer la complexité et la diversité des interprétations qui coexistent ou qui se combattent ». C’est ainsi que sous l’Ancien Régime, cinq tendances principales peuvent être retenues : celles des juristes qui se réclament du droit naturel, celle des utopistes qui « projettent dans l’avenir les plans d’une société idéale », celle des moralistes qui, d’une façon très nuancée, font appel à la raison, celle des utilitaristes qui pensent que le souci de l’intérêt bien compris des hommes est d’éviter la guerre, enfin celle des politiques, pour lesquels le maintien d’un juste équilibre entre les États est de nature à maintenir la paix. Avec la Révolution française, apparaît une idéologie qui tend à conquérir le monde et à faire naître la paix par son universalité, dès qu’elle sera partout admise ou imposée. Au XIXe siècle, sous les coups du positivisme, le droit naturel « perd son dynamisme et son audience », cependant qu’apparaît l’industrialisme, dont les protagonistes pensent que le monde s’organisera pacifiquement de lui-même, que se développe l’idéologie révolutionnaire sous sa forme romantique, et que le moralisme devient un appel à la fraternité des peuples ; mais sur des bases moins imprécises, se dégagent les premières notions d’un fédéralisme étendu à toutes les nations, cependant que le socialisme cherche à éteindre tous les conflits en supprimant les oppositions entre les classes sociales. De nos jours, les juristes prennent leur revanche et, dans le domaine pratique, mettent à leur actif les réalisations des deux Conférences de La Haye, inspirent plus tard les projets du président Wilson et la rédaction du pacte de la Société des Nations (SDN). La Révolution russe fait triompher largement le communisme, donc la théorie de l’internationalisme. Le fédéralisme est à la base des nombreux projets de réforme et d’organisation mondiale. Les moralistes s’efforcent d’indiquer par quelles réformes des mœurs et des comportements individuels pourrait être préparée une situation qui permettrait l’établissement d’une paix durable. Enfin, le pacifisme chrétien se fait entendre et prend des initiatives retentissantes.
Tel est le schéma suivant lequel les textes sont choisis et présentés. Il est certainement d’un grand intérêt de les trouver ainsi réunis, même sous forme fragmentaire, et cet ouvrage ne saurait, malgré ses dimensions modestes, laisser indifférents tous ceux qui se préoccupent des questions de paix, de guerre et de défense. ♦