La grande famine d’Irlande (1845-1849)
Du fait historique, généralement mal connu, qui dépeupla l’Irlande au milieu du XIXe siècle, on peut tirer des leçons applicables de nos jours. C’est l’intérêt principal de cet ouvrage qui mériterait d’être classé parmi les œuvres politiques plutôt que parmi les livres d’histoire. Non que l’auteur ait voulu appuyer sur cet aspect ; tout au contraire.
L’Irlande était, en pleine Europe, un pays sous-développé et colonisé, dont l’organisation féodale maintenait le peuple insouciant dans une quasi-servitude et dont l’économie n’existait qu’en fonction de la culture de la pomme de terre. En 1845, une maladie inconnue attaque les tubercules, anéantit la récolte et prive de subsistance la majorité des 9 millions d’Irlandais. Le phénomène se poursuit les années suivantes.
Devant ce fait brutal, le gouvernement britannique réagit, tente de faire face à la catastrophe, mais ne prend que des mesures insuffisantes, inspirées par une bureaucratie tatillonne et traditionaliste. Il est d’ailleurs trop tard pour agir. Le drame se produit : pendant ces quelques années, un million et demi d’Irlandais succombent ; un million s’expatrient ; le mouvement de révolte contre l’occupation anglaise se réveille et grandit. Au Canada, les immigrants sont chassés ; aux États-Unis, malgré l’opposition de l’opinion, ils réussissent à s’installer, et l’on sait que certains de leurs descendants occuperont des postes éminents dans la politique et dans l’industrie. La politique libérale, les haines de classe et de race, l’incapacité de donner en quelques mois une formation professionnelle aux cultivateurs et de constituer une industrie, quelque insouciance de la part des gouvernants et des gouvernés ont conduit à une des grandes catastrophes de l’histoire.
On voit aisément comment, à partir de cet exemple que Mme Woodham-Smith raconte scrupuleusement, sans épargner les détails, on peut philosopher sur la situation des pays sous-développés, à population agricole peu évoluée. Implicitement, l’ensemble de l’ouvrage est un réquisitoire dont la valeur démonstrative est grande.
Souhaitons que ce livre soit lu, dans l’élégante traduction qui nous en est donnée. ♦