La Chine familière
Écrit par deux jeunes Suédois qui ont fait deux ans d’études à l’Université de Pékin, en 1960 et 1961, ce livre est composé de nombreux chapitres assez courts, d’un intérêt très inégal, et dont l’ensemble ne justifie guère le titre ; en effet, le lecteur ne voit pas, dans les sujets traités, une « Chine familière ». Mais il peut trouver des développements sur des sujets fort divers, les uns d’une importance secondaire, les autres particulièrement attirants.
Parmi ceux-ci, nous retiendrons notamment ceux dont traitent les chapitres intitulés « l’État fluvial », le « lavage de cerveau » et la « vie d’étudiant en Chine ». Ils nous semblent à eux seuls mériter la lecture de l’ouvrage.
« L’État fluvial » est celui qui, dans des pays où l’irrigation est un besoin vital, entraîne la nécessité d’un gouvernement autoritaire et d’une action collective puissamment et même durement dirigée. Cette forme d’état social, que les Chinois appellent « féodale », est très différente de celle de la féodalité occidentale et se rapproche beaucoup de la dictature communiste. Celle-ci, que les auteurs jugent nécessaire à la Chine d’aujourd’hui, a donc une inspiration puisée dans les conditions naturelles du pays, beaucoup plus que reçue de l’Occident.
Le lavage du cerveau est connu. Cependant, Sven et Cecilia Lindqvist en donnent une description saisissante, qui explique fort bien, nous semble-t-il, les résultats obtenus. Le processus de la dépersonnalisation et le retour à une personnalité nouvelle et conforme aux règles sont exposés de façon simple et probante.
Quant à la vie des étudiants étrangers en Chine, elle diffère considérablement de l’existence dans les universités occidentales, par l’organisation matérielle, par l’enseignement, par l’orientation des esprits. Les étudiants chinois dont parlent les auteurs se refusent à avoir avec leurs camarades étrangers les échanges habituels d’idées, de faire avec eux des comparaisons. La Chine et le Parti possèdent la vérité ; l’Occident est a priori dans l’erreur.
Il résulte de la lecture de ce livre, d’après ce que disent les auteurs, que la Chine, telle qu’ils l’ont vue et comprise, est encore en équilibre fort instable, capable de connaître des catastrophes comme d’accélérer considérablement le rythme de son développement. Sa voie n’est pas définitivement dessinée. Une telle opinion a sa valeur ; sa prudence et son objectivité contrastent agréablement avec les avis généralement rapportés par les voyageurs, qui ne tarissent pas de louanges ou de sarcasmes sur l’expérience communiste chinoise. ♦