Les terroristes (de la Russie tsariste à l’OAS)
Notre monde a connu le phénomène du terrorisme ; il fait encore souvent partie de l’actualité. II était donc indiqué de faire porter une étude sur la façon dont il se manifeste, en même temps que sur ses origines et ses résultats.
Après de nombreux chapitres historiques qui nous transportent de la Russie des Tsars à l’Allemagne, à la Macédoine, à l’Irlande, à Israël, à l’Algérie et enfin à la France, au cours desquels l’auteur montre par des cas concrets ce que fut le terrorisme dans l’action révolutionnaire, dans la lutte pour l’indépendance et dans la défense d’un ensemble communautaire, les conclusions forment un chapitre constructif qui peut se résumer comme suit.
« L’acte terroriste recherche avant toute chose le retentissement : chez l’ennemi, dans l’opinion, à l’étranger ». L’acte lui-même n’est donc qu’un moyen, destiné à pallier l’insuffisance ou l’inefficacité des autres moyens d’action. Mais son exécution suppose « qu’un certain degré de colère ait été atteint » ; elle ne peut pas ne pas être passionnelle. Sous sa forme initiale, le terrorisme est insuffisant à lui seul pour atteindre les objectifs recherchés, même si son retentissement dans l’opinion est grand. « La jonction, écrit l’auteur, entre des détachements révolutionnaires prêts à la violence et les masses en effervescence suffit-elle d’ailleurs au succès ? On peut en douter ». Mais il ajoute : « Pour que le terrorisme soit vainqueur, il faut qu’il impose sa loi, non pas d’abord à l’ennemi, mais bien à la population qu’il veut entraîner à l’assaut. Il faut qu’il installe sur elle un pouvoir qui constitue un défi permanent au pouvoir établi ». Mais aussi « tout mouvement en armes qui s’enracine dans les masses est plus ou moins amené à étendre aux masses elles-mêmes, sous des formes graves ou mineures, cette violence qu’il tourne vers l’ennemi ». Aussi, après de nombreuses expériences « aucun mouvement subversif ne croit plus qu’il suffise de quelques coups de revolver, de quelques kilos de dynamite ou de plastic, pour renverser un régime ou même pour l’amener à composition. Et, avec le temps, l’action terroriste est apparue plutôt comme une phase tactique dans un long processus de lutte que comme une stratégie capable d’arracher à elle seule la décision ».
Le terrorisme est donc « à la fois un signal d’alarme et d’appel », comme il peut être un moyen auxiliaire des principaux moyens mis en œuvre ; il peut être aussi le seul moyen d’action dont dispose une minorité. « Dans le premier et le dernier cas, ce terrorisme apparaît comme un signe de faiblesse » ; dans le cas intermédiaire, il a une efficacité réelle, beaucoup plus dans les campagnes que dans les villes. Aussi le terrorisme semble-t-il a priori avoir plus d’effet dans les pays sous-développés que dans les pays développés ; « cependant, il n’est pas certain qu’il en soit ainsi ». Et l’auteur cite l’exemple de l’Organisation de l’armée secrète (OAS), les actions terroristes raciales aux États-Unis, et même la tension entre Flamands et Wallons en Belgique.
Au terrorisme, organisé à partir de foyers de subversion volontairement entretenus par de grandes puissances, s’oppose un contre-terrorisme, lui-même organisé, suivant des techniques toutes différentes des gestes exaltés des terroristes romantiques d’autre fois. Aussi l’auteur dit-il, dans la dernière phrase de son livre : « En vérité, à l’heure où il est difficile de mobiliser de grandes masses d’hommes sans provoquer un conflit planétaire aux conséquences irrémédiables, le terrorisme tend de plus en plus à se substituer à la guerre ».
On ne suivra sans doute pas l’auteur jusqu’à cette extrême conclusion, mais on lui saura gré de son analyse lucide d’un sujet particulièrement actuel. ♦