L’Allemagne d’Adenauer à Ehrard
En quelques chapitres, l’auteur montre comment, au plus fort de l’expression des sentiments que faisait naître l’entente franco-allemande, se mêlaient des notes d’un air tout différent. L’opinion publique d’outre-Rhin entendait bien conserver l’amitié américaine, et ne pas l’échanger contre l’amitié française. Elle allait ainsi contraindre le chancelier Adenauer à une retraite qu’il n’avait pas désirée. Mais, dit l’auteur, « cette retraite n’a été une surprise pour personne en Allemagne. Le déclin du vieux chancelier avait commencé en fait le jour où, pour la première fois, lui avait manqué le soutien constamment trouvé dans son peuple ; ce jour des élections générales du 17 septembre 1961 qui faisait perdre à son parti la majorité absolue ».
C’est pratiquement à ce jour que Robert d’Harcourt fait commencer ce récit, après un tableau de l’Allemagne dans les premiers mois de 1961 qui montre l’inquiétude de l’opinion publique sur l’attitude du nouveau Président américain, John F. Kennedy, sa division sur le problème de la Bundeswehr et le début des rivalités électorales, en même temps que le retentissement de l’affaire Eichmann et les quelques hésitations du chancelier. Les Russes élèvent en août « le Mur de la Honte » à Berlin et la guerre semble rôder. Les élections du 17 septembre traduisent le trouble et le mécontentement des Allemands, et Adenauer doit accepter un gouvernement de coalition avec les libéraux qui posent leurs conditions. Bientôt, la majorité du chancelier tombe à 8 voix ; Heinrich von Brentano démissionne. Adenauer tente de réconforter l’entente avec les États-Unis ; il est chargé par Kennedy d’amener le général de Gaulle aux vues de la Maison-Blanche en décembre. Mais Moscou tente de détacher l’Allemagne fédérale (RFA) de ses alliés occidentaux et échoue, cependant que l’entente franco-allemande paraît se raffermir, lors du voyage d’Adenauer à Paris, en juillet 1962, et plus encore, deux mois plus tard, lorsque le général de Gaulle se rend en Allemagne. De nombreux Allemands craignent cependant que celui-ci ne veuille former une Europe hostile aux États-Unis, et malgré les applaudissements dont ils sont prodigues, se montrent – au fond – réticents. La mise de la Grande-Bretagne hors du Marché commun, en janvier 1963, entretient les craintes allemandes sur les buts véritables de la politique française, et deux camps se forment, l’un « pour Kennedy » et l’autre « pour de Gaulle ». Tous ces événements dans lesquels se mêlent politiques intérieure et extérieure ont sapé la popularité d’Adenauer qui doit s’en aller. Ehrard le remplace et la politique allemande paraît s’orienter dans des voies différentes.
Cette actualité, Robert d’Harcourt l’expose avec une grande clarté. ♦