Introduction à l’histoire militaire
L’histoire militaire n’est qu’un aspect de l’histoire. De même qu’après Paul Valéry, certains se sont crus autorisés à mépriser la seconde, d’autres, au moment où apparaissent les armements atomiques, ont pu penser que la première n’avait plus d’utilité. D’autre part, on sait suffisamment à quel point on a dénigré « l’histoire-batailles ».
Or, l’histoire militaire est celle des civilisations, des techniques, des idées et des comportements de l’homme devant un phénomène universel, la guerre. Elle mérite mieux qu’un refus hautain ou qu’un mépris affiché.
Le livre d’Éric Muraise vient rappeler opportunément ce qu’est l’histoire militaire, quelles sont ses méthodes et selon quels critères techniques elle doit être envisagée et écrite. C’est toujours une entreprise difficile que celle qui consiste à définir précisément un but, puis des méthodes, à clarifier, en quelque sorte, ce qui, par nature, est complexe. L’auteur donne un avis qui, quelle que soit l’opinion que professe personnellement le lecteur, ne saurait être écarté.
L’ouvrage comprend quatre parties très inégales. La première est courte ; elle traite des « prestiges et faiblesses de l’histoire », plaçant l’histoire militaire dans le cadre de l’histoire générale. L’histoire militaire est une suite de résultats peu discutables : victoires ou défaites ; les unes et les autres donnent lieu à des critiques, à des autocritiques, dont la référence est précisément un résultat précis ; ce qui dorme un caractère bien particulier à la recherche et à l’examen de ses sources.
Dans la deuxième partie, d’une longueur double de celle de la première, l’auteur s’efforce de donner des définitions et davantage encore de définir des constantes. Les définitions, évidemment discutables, portent essentiellement sur la stratégie, la tactique et la logistique, et sur les différentes catégories de guerres. On en retiendra surtout le souci d’éviter toute ambiguïté dans la terminologie employée dans l’ouvrage. Quant aux constantes, ce sont d’abord les fameux « principes » de la guerre, que l’auteur ramène à trois : volonté et forces morales, liberté d’action et économie, puis les différents facteurs qui jouent sur les opérations, dans le plan géographique comme dans le plan humain. Là encore, Éric Muraise s’arrête à un choix, par essence discutable, mais qui peut être accepté en raison de sa logique et de sa clarté.
La troisième partie, plus longue que les précédentes, traite des formes de la guerre en fonction des variables politiques et techniques. C’est encore, on le voit, un sujet souvent débattu, qui a fait, depuis l’origine des temps, l’objet de discussions passionnées et jamais closes. C’est là que l’auteur donne sa conception personnelle de ce qu’est la guerre, dans son vaste contexte politique, social et technique.
Enfin, une quatrième partie esquisse les grandes étapes de l’histoire militaire, la divisant en sept périodes, dont les trois dernières couvrent respectivement le XIXe siècle, la première moitié du XXe et les quelques années de la seconde moitié, qui voient le développement des armes atomiques.
Ce résumé montre à quel point cet ouvrage est riche d’idées et de sujets à réflexion. Il n’est pas une simple introduction à l’histoire militaire, comme le dit modestement le titre. Il est une prise de position sur les problèmes les plus controversés, une véritable conception de l’histoire militaire suivant des opinions personnelles nées d’une longue étude.
Nul doute que tout lecteur tirera profit d’une étude attentive et critique d’un tel ouvrage qui mérite d’être abordé avec sympathie. ♦