Chefs et meneurs
Il n’est pas besoin de souligner l’importance de la sélection, surtout lorsqu’il s’agit de déterminer ceux qui devront exercer des responsabilités de commandement. Cela est encore plus évident dans la vie militaire, où la décision doit être prompte, que dans la vie civile.
Aussi, cet ouvrage, qui rassemble de très nombreux articles traduits de l’américain, retiendra-t-il particulièrement l’attention.
Les présentateurs, de même que les nombreux auteurs, sont pleinement conscients des obstacles rencontrés par les sciences humaines et des difficultés de leur application pratique. Il n’existe que peu de critères réellement capables de déceler, chez un homme, s’il possède ou non les qualités requises pour être un chef. D’ailleurs, la définition même du chef reste à donner de façon satisfaisante.
On constate aisément, dès le plus jeune âge, que certains caractères s’imposent à d’autres. Il existe des « meneurs » (leaders) dans tous les groupes humains, qu’il s’agisse de jeux d’enfants ou de clubs de gens âgés. Mais une des constatations les plus certaines est que le meneur n’existe qu’en relation avec le groupe auquel il appartient ; en d’autres termes, un meneur placé dans un autre groupe que celui qui lui est familier perdra ses qualités de meneur, ou tout au moins les verra s’atténuer.
Le meneur n’est pas obligatoirement un chef, car le chef doit pouvoir s’imposer en toutes circonstances et à tout groupe. Comment déterminer les conditions du commandement (du « leadership »), et tâche plus difficile, comment les déceler ? C’est sur ces points que portent toutes ces études, généralement fort courtes, parfois très techniques, mais toujours intéressantes, et qu’il serait vain de vouloir résumer, tant elles sont variées dans leur objet et dans leurs conclusions.
Une étude est particulièrement consacrée au commandement de l’armée. Elle a pour base des observations faites pendant la dernière guerre sur un groupe d’élèves-officiers du Marine Corps, pendant qu’ils suivaient leur cycle d’instruction. Les observations faites à l’école ont pu, pour un certain nombre d’entre eux, être rapprochées des remarques faites sur leur comportement au combat. Il en résulte que le meilleur critère dans l’appréciation du comportement comme chef a été l’opinion des camarades de la même promotion sur chacun des leurs.
Une autre étude porte sur l’appréciation faite, par des supérieurs et des subordonnés, des qualités au combat de pilotes de chasse et de bombardement. Les premiers sont généralement moins sévères que les seconds. Les appréciations sur les qualités techniques restent cependant comparables, mais elles diffèrent assez sensiblement quant aux qualités humaines. C’est ce que confirme, sous une autre forme, une autre étude sur le comportement au combat des commandants d’avion.
Le lecteur ne trouvera donc pas dans ce livre la clef qui lui permettrait de découvrir les hommes aptes au commandement ; mais il verra dans quel sens s’orientent les études conduites à cette fin, et tirera, sans nul doute, un large profit des observations qu’il aura lues, même et pourrait-on dire surtout s’il est profane en ces matières. ♦