El Alamein, bataille de soldats
Le récit du général Phillips, qui commandait à El Alamein un régiment d’artillerie antichars, a tout d’abord la valeur d’un témoignage vécu. L’auteur ne parle cependant pas de lui ni de son unité : il traite de l’ensemble de la bataille, en s’attachant davantage à montrer le détail des opérations et la part des hommes, quel que fût leur grade, dans les vicissitudes d’un combat ininterrompu de quatorze jours.
Certains lecteurs se rappellent peut-être une conférence faite par le Maréchal Montgomery à notre École supérieure de Guerre, et qui commença par ces mots : « Je vais vous expliquer comment on gagne une bataille ». Le sous-titre du livre pourrait être le dernier membre de cette phrase, car le général Phillips démontre, de façon parfaitement claire, comment le commandant de la VIIIe Armée sut maintenir son idée directrice, tout au long du combat, en apportant au moment voulu les variantes qu’appelaient les conditions changeantes de la lutte, sans jamais perdre de vue son but, qui était d’obtenir la rupture du front germano-italien au centre-nord du dispositif, après l’avoir usé dans un combat frontal. La méthode, sur le plan tactique, était d’amener l’adversaire à se perdre lui-même en lui donnant l’occasion de laisser jouer son réflexe instinctif, celui de la contre-attaque rapide à base de chars ; détruire les chars adverses, telle était la consigne suprême des Britanniques. Ceux-ci opposaient à une tactique reposant sur l’action rapide des blindés, une autre tactique, celle d’une infanterie appuyée de chars et progressant à travers la position ennemie suivant des procédés inspirés de la Première Guerre mondiale.
S’il est relativement aisé de résumer ce que l’auteur dit de l’échelon suprême, de ses intentions et de la conduite qu’il imposa à la bataille, il l’est beaucoup moins de le faire des échelons subordonnés. En effet, la majeure partie du livre traite des actions des petites unités et de leurs aventures au milieu de ce combat mouvementé. C’est un peu un reportage à la manière du Jour le plus long, citant les noms des acteurs, rapportant leurs réflexions, les montrant dans les situations tragiques ou cocasses qui se succédaient rapidement.
C’est là une œuvre à la gloire de l’armée britannique, de sa ténacité, de son entrain et de ses sacrifices. On la lira avec facilité, et le nom d’El Alamein, après la lecture de ces pages, n’évoquera plus seulement une manœuvre réussie, mais bien davantage l’effort convergent de milliers d’hommes qui, ayant compris le plan de leur chef, mirent tout en œuvre pour le faire triompher. Victoire collective, peut-on dire, mais sans diminuer en rien la valeur de celui qui commandait, puisqu’il avait su insuffler sa foi à ses subordonnés et faire comprendre au plus humble des soldats cette idée de manœuvre qui lui donna le succès. ♦