La guerre sur le théâtre Centre-Europe n’est certes pas impossible mais heureusement peu probable en raison de la terreur qu'inspire aux éventuels belligérants la perspective d'une escalade nucléaire incontrôlée. Les forces terrestres, si elles doivent être vigilantes, agiles et disponibles, ne vivent pas pour autant dans une hantise semblable à celle des défenseurs du Désert des Tartares. La Marine, par contre, en raison de la dimension globale et de la permanence de son action, mais aussi parce que la mer aujourd'hui est la source la plus évidente de conflits, est immédiatement concernée par toute crise dans laquelle les intérêts de la France ou la vie de ses ressortissants sont en jeu. Elle est directement affectée par les tensions du monde moderne, d'autant plus qu'en fond de tableau de toute crise se profile toujours la perspective de l'issue nucléaire, menaçante niais moins terrifiante dans la vaste étendue inhabitée des océans. Or, la marine fournit la composante essentielle de la force nucléaire.
Aussi est-il justifié que l’École supérieure de guerre navale, aujourd'hui commandée par l'auteur, fasse une place particulière dans son programme aux problèmes des situations de crise et s'attache à y préparer ses stagiaires en leur faisant étudier les modes d'action que celles-ci appellent ainsi que les comportements, les attitudes, les restrictions à l'usage des armes et les relations qu'elles impliquent entre l'autorité politique et les responsables militaires.
S’il est maintenant devenu banal d’observer que le monde vit constamment dans un climat de crise, il est tout à fait nécessaire pour des marins de s’interroger sur le rôle qu’ils sont appelés à jouer dans un tel contexte pour remplir leurs missions au service de la communauté nationale.
Avant d’aborder un tel sujet, il convient de préciser ce que recouvre pour nous le vocable « crise ». Observons, en premier lieu, un effet de perspective ; l’éventail des significations diffère notablement selon le point de vue auquel on se place : si, pour les pays directement concernés, telle crise prend la forme douloureuse et brutale d’un conflit armé ou d’une guérilla, pour les puissances moyennes la même crise n’est ressentie que comme une effervescence dans un point chaud du globe : et, pour les superpuissances, elle peut n’être plus qu’une manifestation ponctuelle, une résurgence lointaine de leurs propres antagonismes à l’échelle mondiale. En second lieu, considérant la crise par rapport à l’opinion publique nationale, notons que nos concitoyens, selon leurs expériences et leurs responsabilités, la perçoivent de manière différente, privilégiant, selon les cas, l’un des aspects économique, idéologique, social ou militaire.
Comme il s’agit ici de traiter de la crise par rapport aux capacités et aux aptitudes des forces aéronavales de la marine, évitons tout risque de malentendu en adoptant la définition qu’en a donnée le Chef d’État-Major des Armées : « la crise est la période comprise entre les premières manifestations d’une menace militaire nous concernant et notre participation à un conflit armé ».
Les temps de crise
La marine française et les crises
Modes d’action et modalités d’exécution
Adaptation des moyens et des structures
Conclusions