Vie et mort de Lumumba
L’avenir ratifiera-t-il les opinions de l’auteur sur ce que fut et représenta Lumumba dans l’extraordinaire et effroyable tourmente que fut la crise congolaise ? Il est bien trop tôt pour répondre à cette question, alors que cette crise continue de se dérouler.
La lecture de ce livre est cependant très prenante. Le personnage y vit d’une vie intense, désordonnée, entièrement tendue vers un but où il est bien difficile de faire le partage entre la sincérité et l’ambition personnelle. Auprès de Lumumba, les autres acteurs paraissent falots ; effet d’optique nécessaire sans doute à une biographie, mais qui déforme certainement la réalité. Au fait, Pierre de Vos ne s’est pas donné pour tâche de faire une histoire des premiers moments de la crise congolaise ; il a nettement centré son livre sur son héros, passant assez rapidement sur les années obscures de jeunesse et de préparation, braquant le projecteur sur les quelques mois de vie publique. L’auteur a visiblement de la sympathie, ou tout au moins de la compréhension pour son héros, bien qu’il ne dissimule pas ses tares, ses larcins, son cynisme et son déséquilibre ; il insiste sur son intelligence, son magnétisme, son habileté politique, son intuition, son courage physique. Lumumba n’apparaît en aucun endroit de ce livre comme l’agent des Soviets que certains ont complaisamment décrit. Il est peint comme une sorte de Messie, suivant seul sa route dans une illumination intérieure, sans cependant la moindre comparaison avec un mysticisme religieux.
Livre ardent, comme le personnage, marqué d’idées sur lesquelles il faudrait revenir et qu’il faudrait peser à leur juste poids. Il est, de tous ceux que nous avons lus sur la crise congolaise celui qui donne de la façon la plus vraie l’impression de ce qu’a été cette période aberrante des débuts de l’indépendance. Mais il n’est pas encore, il s’en faut – et d’ailleurs il n’aurait pas pu l’être déjà – un livre d’histoire objective. C’est peut-être ce qui le rend particulièrement intéressant. ♦