Detterrent or Defence
Le célèbre critique militaire anglais a réuni dans ce volume des textes écrits il y a plusieurs années, et des chapitres nouveaux, l’ensemble présentant une synthèse de sa pensée. Comme le titre l’indique les idées exprimées par l’auteur se rapportent au dilemme : les forces armées doivent-elles servir à empêcher la guerre ou à la gagner ? L’opinion de l’auteur est claire ; c’est au premier terme de l’alternative qu’il se rallie. Mais, comme beaucoup d’écrivains militaires, il estime que les armes nucléaires ne sont pas le « deterrent » idéal, puisque leur emploi aboutirait à un suicide collectif. Il faut donc empêcher la guerre en organisant des forces capables de la gagner éventuellement, et notamment, en ce qui concerne l’Angleterre, des forces amphibies largement organisées, et réunissant en elles les moyens des trois armées traditionnelles, dont la séparation et l’autonomie sont périmées.
Cette thèse est présentée en chapitres relativement courts. Les références aux exemples historiques y sont nombreuses. Le raisonnement peut sembler un peu lent à des lecteurs français, mais il est toujours logique, et les arguments portent.
Étant entendu que « la parité nucléaire conduit à l’inefficacité nucléaire », idée soulignée à plusieurs reprises dans le cours de l’ouvrage, Liddel Hart propose d’organiser des forces chargées de la défense de l’Europe de telle sorte qu’elles disposent de moyens nucléaires réduits en nombre mais d’autant plus efficaces en puissance, et qu’elles soient capables de s’engager si nécessaire dans des guerres limitées ; dans ce but, qu’elles comprennent des milices, fortement encadrées par une gendarmerie étoffée, et des forces d’intervention comprenant des divisions blindées de faible volume et des divisions d’infanterie où la légèreté serait recherchée dans l’armement, plutôt que dans les moyens de transport. L’emploi de telles forces ne peut plus se concevoir qu’en étroite combinaison avec l’action diplomatique ; à ce sujet, Liddel Hart demande que les hommes d’État et les diplomates reçoivent une solide formation militaire, leur permettant d’apprécier les possibilités et les limites des forces armées.
Ce livre contient de très nombreux renseignements statistiques sur les guerres passées, de très nombreuses suggestions sur des problèmes d’organisation, de tactique, de matériel. Sans doute, n’y trouvera-t-on rien qui n’ait déjà été écrit et même fait l’objet de discussions passionnées. Mais cette synthèse est utile pour montrer l’ampleur et la nature des problèmes militaires les plus importants, et sur la difficulté, en même temps que la nécessité, d’un choix entre les solutions possibles. ♦