L’âme de la Chine
« Il faut que nous ayons une philosophie de l’histoire, parce qu’il nous faut une philosophie de la vie, parce que nous avons le devoir de savoir qui nous sommes, d’où nous venons et où nous allons, parce qu’enfin, comme l’a si dramatiquement démontré l’exemple de la Chine, si nous ne fournissons pas au reste du monde une telle philosophie, d’autres que nous s’en chargeront et leur rude doctrine ne sera certainement pas de notre goût. »
C’est sur cette phrase que se termine le livre d’Amaury de Riencourt. Elle indique parfaitement et le but et le ton de son ouvrage.
L’auteur estime que l’Occident n’a jamais compris la Chine et a commis l’énorme faute de se croire « en avance » sur elle, alors que la Chine avait achevé « son cycle historique » et vécu toutes les expériences que vit actuellement l’Europe. Il fait un parallélisme, peut-être un peu systématique, entre les périodes d’un lointain passé chinois et les périodes modernes de l’histoire de l’Occident. Cette erreur provient de notre habitude de considérer l’histoire comme une succession « linéaire » d’événements, et non comme un rythme cyclique dans lequel alternent les cultures, pendant les périodes de création, de gestion, et les civilisations, pendant les périodes d’organisation et d’exploitation. La culture est l’adolescence : la civilisation, l’âge mûr, que suivent inexorablement la décrépitude et la mort.
La culture chinoise s’est développée pendant les premiers millénaires de l’histoire ; elle s’est épanouie vers le IVe siècle avant J.-C. Après la période dite des « Royaumes combattants », que l’auteur compare à la période actuelle des grandes guerres entre peuples occidentaux, elle a fait place à la civilisation chinoise, qui s’est figée au cours des siècles, et que le contact avec l’Occident depuis une centaine d’années a fait voler en éclats.
Et maintenant, remontant à ses sources et commençant peut-être une nouvelle période de « culture » mais sous les auspices d’un insupportable totalitarisme, et gonflée d’une haine inexorable contre l’Occident – la Chine risque de submerger le monde, si celui-ci ne veut pas comprendre les réalités d’une nouvelle philosophie de l’histoire, qui donnerait un but et un sens à sa vie.
Ainsi, peut-on résumer la pensée de l’auteur en négligeant, dans cette courte analyse, les nombreux aperçus qu’il développe sur l’histoire chinoise elle-même, et sur les rapports de la Chine avec l’Asie, l’Occident et le monde.
Livre austère, on le voit, d’une lecture sévère, malgré l’excellente traduction, mais d’une richesse de pensée indéniable. ♦