Histoire de la Troisième République. T. V : Les années d’illusions (1918-1931)
De l’histoire de la IIIe République, Jacques Chastenet en est arrivé à la période de l’après-guerre, qu’il limite à l’année 1931, puisque les années suivantes marquèrent une nouvelle période d’avant-guerre.
Ce livre souligne les qualités qui ont fait la réputation de l’éminent historien : solidité de l’information, pertinence du jugement, aisance et clarté du style, humour mesuré. Mais n’est-il pas trop tôt pour écrire une véritable histoire d’une période si proche, et que tant de lecteurs ont vécue ? Il ne peut s’agir que d’une esquisse de ce que sera plus tard l’histoire de notre temps. C’est d’ailleurs moins à propos de l’histoire politique que de l’histoire des idées que l’on peut faire pareille remarque. L’histoire politique est marquée par l’orientation des différents cabinets ministériels qui se succèdent à la vitesse que l’on sait, et dont chacun représente une phase. L’histoire des idées, comme l’histoire sociale, est infiniment plus complexe, manque davantage de points de repère, et de plus est difficile à séparer de ses antécédents et de ses prolongements.
Il convient de savoir gré à l’auteur d’avoir apporté une telle clarté dans une suite d’événements que leur proximité rend confuse et diffuse à la fois. On tombe aisément d’accord avec lui pour qualifier ces douze années qui suivirent immédiatement la guerre d’années « d’illusions » et non, comme on le fait trop souvent, d’années « folles ». Car – et c’est la thèse soutenue dans cet ouvrage – pendant ces années 1918-1931, la France s’est montrée remarquablement stable dans une Europe en convulsion : la structure sociale, ébranlée, ne s’est pas disloquée ; les mœurs n’ont pas évolué profondément, même si quelques audaces ou quelques excentricités sont superficiellement apparues. Les idées ont connu un essor qu’elles n’avaient guère connu dans les périodes précédentes, essor discipliné dans le domaine des sciences, moins dirigé dans celui des arts et des lettres. La France a eu, dans sa politique et dans sa vie courante, l’illusion qu’ayant gagné la guerre, elle avait en même temps assuré la paix ; elle n’a pas cru les quelques prophètes qui alors ont pourtant décelé le mal, et prévu la sanction. Et le livre se termine sur cette phrase : « Terrible sanction qui, Dieu merci, ne sera pas sans appel ». ♦