Introduction à la science politique
En recommandant vivement la lecture de ce livre objectif, dense et scrupuleux, nous ne cacherons pas qu’elle exige du temps, de l’attention et de la réflexion. Non que le style en soit ardu, non que les idées en soient trop abstraites ; mais l’analyse est menée avec une telle finesse qu’il faut la suivre de très près dans ses développements. Le titre peut tromper ; on pourrait croire qu’il s’agit, dans ce livre, de permettre un accès facile de la science politique. Il s’agit de toute autre chose ; d’une « introduction », certes, mais dans le sens anglais du mot, pourrait-on dire : d’une présentation détaillée, et, dès la première page, placée sous le signe d’une haute exigence intellectuelle.
Il faudrait être un spécialiste pour faire une « critique » de cet ouvrage. Comme nous ne le sommes nullement, nous nous contenterons de donner une impression après une première lecture, nous rendant parfaitement compte qu’une seconde lecture, plus attentive, serait nécessaire pour en extraire tous les enseignements.
L’auteur montre les difficultés d’une définition de la science politique, discipline encore mal dégagée d’un ensemble de discipline voisines. Tout au long de l’ouvrage apparaît ce souci d’une définition de l’objet d’une science qui, par les méthodes qu’elle emploie, semble parfois ne pas mériter ce qualificatif. Le chercheur se trouve aux prises avec la vie en ce qu’elle a de plus fluctuant et de plus passionnel ; les termes mêmes de son vocabulaire sont équivoques, et chargés d’un sens émotionnel, d’un « contenu » partisan, qui s’accorde mal avec la nécessaire objectivité scientifique. Or, la science politique, comme les autres sciences, doit avoir une utilité pratique ; sinon elle n’est qu’un jeu de l’esprit ; elle doit permettre, ou elle devra permettre un jour, lorsque ses méthodes seront mises au point, de faire des analyses de situation comportant des conclusions, des prévisions et par conséquent des règles pour que les hommes se gouvernent mieux. C’est la foi dans un tel résultat qui frappe dans ce livre, en même temps que l’ardeur raisonnée avec laquelle elle est exposée.
Le profane est facilement convaincu, tant il trouve de bon sens et de conviction derrière les analyses souvent méticuleuses qui se succèdent de chapitre en chapitre. Et il se prend à penser que, même dans l’état où la science politique en gestation lui est décrite, elle pourrait, comprise comme l’auteur le propose, rendre dès maintenant et dans la pratique, sur plusieurs de nos problèmes essentiels, les services les plus utiles.
Aussi faut-il souhaiter que le livre de Jean Meynaud ait de nombreux lecteurs ; les questions qu’il soulève et la façon dont elles sont présentées méritent une large audience. ♦