Carnets de guerre. L’espoir change de camp
Ces carnets de guerre sont des mémoires « pas comme les autres ». En effet, ils sont écrits non par l’auteur directement, mais par un de ses amis qui s’est donné pour tâche « d’adapter et de présenter » les carnets que le Maréchal Alanbrooke a tenus au jour le jour pendant la guerre et qu’il destinait à sa femme.
De longs passages de ces carnets sont cependant transcrits dans le gros volume qui raconte l’histoire de la Seconde Guerre depuis ses débuts jusqu’au mois de septembre 1943, jusqu’au jour où, la flotte italienne s’étant rendue et les usines où se construisaient les V1 et les V2 à Pennemünde ayant été détruites, « l’espoir changea de camp » de façon définitive en faveur des Alliés.
Ce sont les passages rédigés par le Maréchal Alanbrooke qui donnent le ton à l’ouvrage, un ton à la fois plein d’humour et de gravité, grâce auquel le lecteur passe alternativement du rire que déclenchent les anecdotes irrésistibles à la concentration de pensée qu’exigent les raisonnements de la plus haute stratégie.
Le Maréchal Alanbrooke, Général au début de la guerre, commanda un des corps britanniques au cours de la campagne de 1940. C’est grâce à son énergie que le corps expéditionnaire britannique put être réembarqué en grande partie à Dunkerque ; il commanda à nouveau les forces britanniques demeurées en France jusqu’à l’armistice de juin 1940, et réussit à en ramener une grande partie en Angleterre. Mais surtout, ce fut lui que choisit Churchill comme chef d’état-major impérial, poste qu’il devait conserver jusqu’à la fin de la guerre, et qui, en le mettant à la tête de la stratégie britannique sur tous les fronts, le fit le confident du Premier ministre, qu’il accompagna dans ses voyages en Amérique du Nord, en Afrique du Nord, en Iran et en URSS. Le Maréchal Alanbrooke assista à toutes les grandes conférences interalliées, et prit sa part dans les décisions sur la conduite de la guerre à l’échelon le plus élevé.
Il apporte son témoignage, que les historiens confronteront avec les témoignages similaires des autres grands acteurs de la guerre. Mais pour le lecteur d’aujourd’hui, il semble que le principal intérêt de son ouvrage réside dans la description de son état d’esprit devant les tâches écrasantes et les innombrables difficultés de son poste. Il n’est pas si fréquent de pouvoir vivre, en quelque sorte, dans l’intimité d’un grand chef, et de se rendre compte des réactions de l’homme qui, trop souvent, dans des œuvres de ce genre, s’absorbe dans la fonction et s’efface.
C’est cet intérêt humain qui permet au lecteur, lorsqu’il a refermé cet épais volume dont il avait mesuré l’épaisseur avec inquiétude avant de l’ouvrir, de regretter qu’il s’arrête si vite, au moment où vont être entamées les grandes campagnes victorieuses de 1944 et de 1945. ♦