Henri IV
La figure du roi Henri IV est de celles qui sont les plus populaires en France. Tous les écoliers la connaissent ; la fameuse phrase de la « poule au pot », l’anecdote du roi faisant attendre un ambassadeur, cependant qu’il achève de faire faire « un tour de cheval » à un de ses enfants cavalcadant sur son dos, tout cela fait partie de notre éducation dès l’âge le plus tendre. À un autre titre, les amours du roi Henri le rendent célèbre, et le Vert Galant a conservé de sa verdeur une auréole glorieuse, plaisante et sympathique. Mais si tout cela est de l’histoire, c’est de l’histoire en images d’Épinal.
Dans le livre épais qu’il consacre à Henri IV – et qui se lit aisément, malgré son épaisseur, tant il est écrit avec bonne grâce – Maurice Andrieux donne un portrait du roi qui semble devoir rester classique par sa mesure et son équilibre. Peut-être pourrait-on reprocher à l’auteur un excès de sympathie envers son héros, qui le conduit, non à voiler, mais à atténuer ses fautes en leur trouvant des circonstances atténuantes ou en évitant d’insister sur elles. Mais cette sympathie est elle-même bien excusable. Comment se défendre d’aimer cet homme si vivant, si plein de rêve, si humain, si noble en même temps ?
Au-delà du personnage du roi, c’est un tableau de toute son époque que nous offre ce livre. Époque profondément troublée par les plus atroces guerres civiles, par les rivalités des grands, par les complots des insatisfaits, par les intrigues étrangères. Schématisé par le recul du temps, le règne d’Henri IV nous semble être celui de la réconciliation, de la concorde, de l’aisance et du confort de la nation, cette notion sommaire est exacte dans ses grandes lignes, mais de combien de nuances doit-elle être assortie ? C’est après l’assassinat du roi que l’on se rendit compte de son œuvre, qui fut sur le moment décriée et mal comprise.
« Quant à nous, écrit l’auteur, lointains héritiers de son labeur, comment pourrions-nous oublier que c’est de lui que date la notion d’une patrie inviolable, indivisible et sacrée, et que c’est à lui que nous devons d’être demeurés Français ? » « Ce qui ajoute à notre fierté, continue Maurice Andrieux, c’est qu’ayant assuré notre salut par les armes, ce guerrier sut demeurer dans les combats humain et sensible. »
Voilà un jugement clair et sûr. On souhaite qu’il engage les lecteurs à ouvrir ce gros livre, et à en faire une lecture attentive jusqu’à la dernière page. ♦