Libreville et sa région
Tous ceux qui s’intéressent à l’Afrique liront avec profit la monographie que Guy Lasserre consacre à Libreville, dans les « Cahiers de la fondation nationale des Sciences politiques ». C’est une étude très documentée et très complète, agrémentée de très nombreux croquis particulièrement clairs, de photographies très représentatives, de graphiques et de tableaux. Il semble difficile de pousser plus loin l’analyse d’un fait urbain, et de le faire d’une façon plus séduisante et plus objective. L’auteur a divisé son ouvrage en trois parties ; dans la première, il présente le « paysage » de la ville européenne et des villages africains juxtaposés, et l’explique par l’histoire de la création de l’agglomération ; dans la deuxième partie, il étudie les activités de Libreville, comptoir, base de départ des expéditions vers l’intérieur, chef-lieu de territoire, capitale, centre administratif, centre commercial, port, centre d’attraction pour toute une région du Gabon ; dans la troisième partie, il décrit le peuplement, l’organisation de la vie citadine, l’affrontement des civilisations occidentale et africaine. Ce résumé incomplet de la table des matières donne une idée de la richesse et du nombre des questions traitées.
Mais ce qui donne à l’ouvrage de Guy Lasserre sa signification et sa portée, c’est la façon méthodique et scientifique avec laquelle l’analyse d’un cas particulier s’élargit au plan des idées générales sur les conditions, les difficultés et les chances du contact entre Européens et Africains. Mieux que par des thèses abstraites, dans lesquelles se glisseraient fatalement des facteurs passionnels et subjectifs, les véritables problèmes africains sont mis en lumière par ce cas concret, et par son étude minutieuse. Non pas tous les problèmes africains, certes, mais du moins les principaux : contacts entre des hommes de formation, de psychologie, de croyances différentes ; transformation de la société noire traditionnelle ; organisation d’une économie équilibrée : développement de l’instruction ; place de la femme dans la société.
Nous pensons sincèrement que la lecture du livre de Guy Lasserre pourrait être une excellente initiation à l’Afrique, pour ceux qui la connaissent peu ou mal, en même temps qu’une mise au point, qu’un retour au réel, qu’une prise de contact avec des faits, pour ceux qui, connaissant l’Afrique, risquent ou de se perdre dans des théories, ou de ne plus voir qu’un aspect de ses problèmes.
Ajoutons que, malgré son épaisseur et sa densité, ce livre est d’une lecture agréable, souvent passionnante, parfois pleine d’humour derrière ses chiffres et ses tableaux. C’est, dit l’auteur, un travail de géographie humaine ; le lecteur pensera, en tournant la dernière page, que c’est avant tout une œuvre humaine, dans laquelle il a perçu, modestement dissimule par l’appareil scientifique de l’étude, beaucoup d’amour. C’est là, pensons-nous, le meilleur éloge que nous puissions faire de ce livre, que nous signalons tout particulièrement à l’attention. ♦