Aucune bête au monde…
Ce titre, les auteurs l’ont tiré d’une phrase de Saint-Exupéry dans Terre des hommes : « Ce que j’ai fait, dit Guillaumet dans son récit de sa marche à travers le désert, jamais aucune bête au monde ne l’aurait fait ».
L’ouvrage n’est qu’une suite de photographies, mais quelles photographies ! Implacables, vivantes, elles retracent la vie des paras en Algérie. La vie de tous les jours : boire, manger, marcher, se reposer ivres de fatigue, repartir à l’assaut des rocs déchiquetés ou à travers la brousse couverte d’épines.
« Les lèvres desséchées et les membres rompus, nous ne marchions pas comme le caravanier vers des oasis aux sources fraîches, vers ces pièges que sont les sourires des filles. Nous avions des rendez-vous, à chaque coin de piste, derrière chaque dune, chaque piton, mais c’était avec notre mort… »
Ce rendez-vous avec la mort, le Colonel Bigeard en fait la conclusion de son ouvrage. Les dernières photographies retracent la mort du sergent-chef Santenac, évadé de Dien-Bien-Phu, chevalier de la Légion d’honneur, Médaillé militaire, 13 citations, 7 fois blessé, tué au combat le 21 novembre 1957 à Timimoun. Et la dernière légende, c’est la conception de la mort par des hommes qui, toujours à la peine, se sont forgé un idéal dans la fatigue des combats et la lutte contre la nature.
« Il (Santenac) dut encore fournir un dernier effort pour mourir.
« Il savait bien qu’il avait gagné, et c’est pour cela que son visage apaisé nous parut si beau. Ce qu’il cherchait de l’autre côté de la crête, ce n’était pas une poignée de Bédouins et leurs fusils, mais cette chose impossible qui le hantait depuis si longtemps et qui ne se trouve que dans le sacrifice et la mort. Seule elle permet de se confondre avec ce qu’il y a de plus grand, de plus inaccessible. C’était sa manière, à lui Santenac, de comprendre Dieu. Et ça, aucune bête ne pourrait le faire. » ♦