Nomades noirs du Sahara
Voici un livre en tout point remarquable. C’est une étude de géographie humaine sur les Toubous, qui peuplent les régions sahariennes du Tchad et dont l’habitat s’étend hors des frontières de l’Afrique équatoriale française (AEF).
Il est probable que c’est le premier ouvrage d’ensemble sur ces populations, dont l’intérêt provient de ce qu’elles occupent le cœur de l’Afrique, au point de jonction entre les courants de la civilisation arabe et ceux de la civilisation proprement africaine.
L’auteur, qui a longtemps vécu au Sahara, et dont il est visible qu’il aime profondément le désert et ses habitants – car il n’aurait pu écrire un tel livre sans une grande « parcelle d’amour », comme disait Lyautey – étudie successivement l’histoire des Toubous et leur répartition géographique actuelle ; c’est ce qui forme la première partie du livre ; dans une seconde partie, il expose comment ces nomades exploitent le milieu saharien, quelles sont leurs coutumes, leurs mœurs, leurs habitudes de vie, leur organisation, leur religion.
Comme on le voit, c’est une étude approfondie et complète. Elle est présentée de façon très claire ; la lecture en est agréable, malgré l’inévitable aridité de certains sujets ; de nombreux croquis, des cartes fort bien faites, des photographies en couleur et en noir vivifient le texte et donnent à ce livre une présentation particulièrement soignée et attrayante.
On pourrait seulement penser que cet ouvrage est trop dense, trop complet, trop technique dans certaines de ses parties, pour intéresser directement le grand public. Instrument précieux – et sans doute unique – de travail pour tous ceux qui ont à s’occuper des territoires sahariens, il serait souhaitable qu’il soit condensé sous une forme qui, tout en lui conservant le grand attrait qu’il possède actuellement, le rendrait plus accessible au public qui désire seulement s’informer des questions générales. Souhaitons que l’auteur puisse prochainement faire un semblable résumé de son beau livre, qui fait rêver du jour où nous disposerons, pour toutes les populations de la Communauté nouvellement créée, d’une documentation aussi claire et aussi précise. La première condition pour bien s’entendre est de se bien connaître.
L’ouvrage de Jean Chapelle fait découvrir à ses lecteurs une population pratiquement inconnue. C’est du bon ouvrage, tant sur le plan scientifique que sur le plan humain. ♦