L’Afrique noire devant l’indépendance
L’auteur, dont le pseudonyme cache, selon les éditeurs, le nom d’un haut fonctionnaire, a, dans une courte étude dont il faut louer d’abord le style clair et vigoureux, analysé l’évolution des institutions des territoires africains, en insistant davantage sur l’esprit que sur la lettre de cette évolution.
Pour aboutir à cette conclusion que la seule solution possible était celle de l’indépendance, qui, contrairement aux idées souvent soutenues dans la métropole, ne signifie pas sécession et « ne s’oppose nullement à la constitution d’un vaste monde français, organisé comme une association vivante de peuples divers jouissant chacun de leur autodétermination et liés les uns aux autres moins par la force contraignante des lois ou des traités que par la claire conscience des avantages de leur communauté ».
Cette citation nous semble résumer la thèse de l’auteur. Celui-ci estime que l’indépendance « n’est pas une fin politique, mais une revendication d’ordre moral et spirituel, une question de respect humain et de dignité ». S’appuyant sur les données de la psychologie des Africains, il juge que ceux-ci pensent sincèrement « que leurs liens avec nous seront d’autant plus nombreux et plus solides qu’ils les auront eux-mêmes noués plus librement ».
Trois problèmes principaux se poseront : celui des finances, celui des hommes, celui des institutions. L’accès à l’indépendance n’empêchera pas les territoires africains de recourir au Trésor métropolitain, car ils sont sous-développés, ne peuvent trouver immédiatement des ressources sur place et ne peuvent consentir à un abaissement du niveau de vie actuel ; les pays africains devenus indépendants doivent pouvoir continuer à compter sur la France, comme un fils « peut compter encore sur l’aide de son père après avoir atteint l’âge de la majorité légale ».
Les hommes devront être fournis par les territoires, mais aussi par la métropole qui pourrait détacher outre-mer des cadres hautement qualifiés et particulièrement choisis, dont elle assurera, au moins partiellement, la charge financière.
Les institutions doivent être solides, car « le niveau de vie des peuples dépend de leur aptitude à s’administrer ». La balkanisation a déjà fait des ravages en Afrique ; la démocratie libérale risque de conduire à une instabilité gouvernementale qui serait mortelle dans de jeunes pays ; la dictature est à craindre, comme remède à l’anarchie. Aussi le régime le mieux adapté à ces États indépendants serait-il probablement un système présidentiel. Mais, sur ce point des institutions, « la partie est mal engagée ».
On voit que l’auteur ne promet pas le paradis après l’indépendance, et qu’il tient compte des difficultés sérieuses qu’offriront les problèmes les plus importants.
Ce livre doit être lu, pour son objectivité, sa clarté et son actualité. ♦