Les chances économiques de la Communauté franco-africaine
Les problèmes d’outre-mer sont d’une actualité aiguë et pressante. Les Français ne sont pas exactement d’accord sur nos droits et nos devoirs à l’égard des territoires français, appartenant à d’autres continents. En schématisant, on peut dire que nous sommes partagés entre deux complexes. D’abord un complexe de culpabilité, résultant de la crainte que notre pays n’ait poursuivi dans ces territoires que des buts égoïstes ; la conjonction des anticolonialismes russe et américain est à l’origine de ce sentiment. Puis un complexe hollandais (ainsi nommé en raison de la constatation que la prospérité actuelle de la Hollande résulterait de la perte de ses colonies) dont l’élément essentiel est l’impression que nos sacrifices financiers sont démesurés eu égard aux résultats déjà obtenus ou à espérer dans l’avenir.
Le présent ouvrage a pour objet de rassembler les éléments économiques des problèmes ainsi posés. Bien entendu l’auteur ne se fait pas illusion : il n’y a pas plus de vérité objective dans ce domaine que l’on pourrait en trouver à vouloir réécrire l’histoire sur des conjonctures imaginaires. Connaissant ce qui s’est passé dans les voies adoptées, qui pourrait dire ce qui serait advenu dans d’autres voies ? Les vérités recherchées sont à la mesure humaine et l’on s’efforce à déterminer les plus vraisemblables conjectures.
Les éléments du dossier sont présentés en trois postes. « Le vieil équilibre », essentiellement descriptif, est consacré aux rapports de la métropole et des pays d’outre-mer, sous leurs formes traditionnelles, tels qu’ils sont inspirés par le pacte colonial. On y envisage les données d’une solidarité dans laquelle les pays d’outre-mer sont des consommateurs de produits finis et des fournisseurs de matières premières.
Dans « La naissance des antinomies », on évoque l’apparition, au sein du vieil équilibre, de divers facteurs qui tendent à faire naître des heurts ; les deux principaux de ces facteurs sont, d’une part, la tendance des pays d’outre-mer à l’industrialisation et, d’autre part, le poids considérable des dépenses imposées à la métropole par les besoins de ces pays d’outre-mer.
« Vers une symbiose nouvelle » se propose d’examiner dans quelle mesure les antinomies peuvent être dépassées et les aspects renouvelés par une solidarité dynamique dont le propre serait d’unir non plus un pays développé à des pays sous-développés, mais un pays développé à des pays en développement, ce qui assurerait, avec une meilleure symbiose économique, un équilibre politique durable. C’est un véritable projet qui est ainsi présenté, prévoyant les grandes lignes d’un plan d’équipement, les modalités de financement, fixant le rôle du capital privé et des garanties de l’État, esquissant les principes d’une organisation commerciale et financière, etc., etc.
L’auteur montre facilement combien les fondements des complexes (hollandais et de culpabilité), sont artificiels et faux. Il prétend même que le comportement et la politique de la France à cet égard pourraient être cités en exemple car « la communauté française est un microcosme où peuvent être forgées peu à peu des formules neuves de coopération ». Et il conclut :
« Bien loin de s’efforcer à résoudre ses problèmes par des renoncements et des mutilations, la France doit donc chercher une solution dans l’invention et l’élargissement. Invention de formules neuves d’association. Élargissement, par l’extension du Marché commun au-delà des limites mêmes de la France.
« Ou la France sera rejointe par tous les pays évolués en vue d’une vaste tentative à l’échelle mondiale en faveur des pays sous-développés, dont les relations franco-africaines n’auront été que le prélude et dont elles pourraient devenir le modèle, ou la vieille misère et la jeune rancœur se conjugueront pour les entraîner tous, pays développés, pays sous-développés, pêle-mêle, dans le chaos. » ♦