Le Secret des Hittites
L’ouvrage précédent a évoqué la traduction des hiéroglyphes hittites. Ici nous sont présentées les péripéties qui ont marqué l’étonnante découverte de la civilisation hittite, de cette étrange royauté, groupant des peuples d’origine, de religion et de langue différentes, qui, durant presque tout le deuxième millénaire avant Jésus-Christ, fut comme une troisième force entre l’Égypte et les empires babylonien et assyrien. C’est la révélation d’un monde ignoré jusqu’ici des livres d’histoire.
Le nom des Hittites n’était pourtant pas inconnu puisque l’Ancien Testament parle tantôt de Hittim, tantôt des Hetheens, des fils de Heth. Il fallut cependant que le Français François-Marie-Charles Texier découvrît en 1830 le site de Boghaz-Keui (300 kilomètres Est d’Ankara) pour que, d’un seul coup, les allusions bibliques prissent réalité. L’histoire des fouilles s’étend de 1830 à 1947. Elles sont marquées (en outre des découvertes fructueuses faites à Boghaz-Keui) par les étonnantes révélations des tablettes de Tell-El-Amarna (en Égypte), par les trouvailles faites à Karkemish (le Djerablus actuel) et enfin par la mise à jour d’un bloc bilingue, faite à Kaltepe (300 km S.-E. de Boghaz-Keui).
Dès l’origine le problème majeur fut celui de la langue et de l’écriture. La question qui se posait était analogue à celle que résolut Champollion avec la pierre de Damiette. Tous les efforts tendirent donc à découvrir des inscriptions bilingues. L’histoire du difficile décryptement du hittite est marquée par deux dates, entre lesquelles les progrès furent lents et incertains : l’étude par Sayce en 1860 du sceau de Tarkumuwa, les conclusions tirées par Helmuth Bossert (aidé du génial autodidacte Steinherr) de l’étude de l’inscription hittite-phénicienne portée sur le bloc de Kaltepe (1917).
Ainsi surgit peu à peu la civilisation hittite. D’où venaient ces hommes à l’origine ? On ne sait, mais ils étaient assurément indo-européens. Quelques grands faits constituent les points de repères de leur histoire. Dès 1900 avant Jésus-Christ, Hattusa (Boghaz-Keui) est la capitale du royaume. Celui-ci s’étend probablement jusqu’à la mer Noire et la Méditerranée d’une part, jusqu’à la Syrie et la Palestine d’autre part. C’était un véritable empire, mais organisé en confédération d’États. On a pu rétablir approximativement la chronologie des rois et leurs activités. Différents événements marquent leur puissance. En 1589 Mursil s’empare de Babylone. Le grand roi Suppiluliuma (1375-1335) ayant battu les Égyptiens à Amka (entre Liban et Anti-Liban), la reine d’Égypte Anches-en-Arnun, veuve de Tout-Ank-Amon [Toutankhamon], fit demander au roi de vouloir bien lui donner un de ses fils pour mari. En 1296 avant Jésus-Christ, le roi Muwatallu ayant infligé la sanglante défaite de Kadesh (sur l’Oronte) à Ramsès II, un traité de paix éternelle est signé entre son successeur Hattusil II et Ramsès II. Ce traité, le premier connu de l’histoire des hommes, marque à la fois l’apogée et le déclin de l’empire Hittite. Son effondrement peut être fixé à –1190, date à laquelle Hattusa fut conquise et rasée par un peuple venant de l’Ouest.
« Il y a soixante-dix ans, on ignorait tout des Hittites et de leur empire. Dans les lycées, on continue à enseigner aux jeunes gens qu’au troisième millénaire avant Jésus-Christ l’histoire du Proche-Orient et de l’Asie Mineure fut écrite par les souverains mésopotamiens et par les pharaons. C’est oublier que, pendant plusieurs siècles, l’empire de Hatti fut la troisième grande puissance de l’Asie antérieure ; pôle d’attraction politique, sa capitale était l’égale de Babylone et de Thèbes. Si, en matière de culture et de civilisation, les Hittites jouèrent un rôle assez effacé, ils tinrent une place considérable sur le plan politique. » ♦