Des pyramides, des sphinx, des pharaons
« Ce livre prétend démontrer de façon éclatante que l’étude de l’histoire ancienne est plus émouvante, plus passionnante, plus vivifiante que celle des productions de l’imagination poétique. Les plus grands créateurs ont d’ailleurs presque toujours recours aux sujets qu’elle offre à leur inspiration et c’est à elle que revient en grande part la gloire qui s’attache à leur nom. Certes, c’est la substance vivante de l’histoire – et non pas une collection de dates, en elles-mêmes futiles ou l’enregistrement livresque de grands événements – que l’enseignement doit communiquer si on veut la faire revivre pleinement et avec profit. Quiconque est insensible au grandiose dynamisme qui s’en dégage sera impuissant à en communiquer la chaleur. »
Ainsi s’exprime l’auteur dans son avant-propos, et de fait, le reproche d’insensibilité ne peut pas lui être adressé. Aussi bien, l’étude qu’il nous présente sur l’Égypte n’est pas une étude historique. C’est plutôt un vaste panorama de la civilisation égyptienne sous les pharaons. La sensibilité de l’auteur, la chaleur de son cœur, l’élévation de sa pensée donnent aux êtres qu’il évoque une présence non seulement actuelle, mais aussi une bouleversante vérité humaine. Grâce à une érudition qui s’impose, mais qui sait être discrète, il fait parcourir au lecteur avec intérêt et émotion, les phases de la vie et de la mort des anciens égyptiens. Avec quel respect, quelle compréhension, quelle piété même, il sait se pencher sur les problèmes religieux, si loin de nous pourtant, mais qu’il sait rendre proches. Par dessus l’objet même, merveilleusement évoqué, c’est l’auteur que l’on retrouve à chaque pas et sa personnalité infiniment sympathique ajoute au charme de la lecture et des découvertes que l’on y fait.
On voudrait pouvoir citer la « table des matières » tout entière. « Les Pyramides parlent », dit un chapitre et l’on est de suite dans le mystère de l’âme des pharaons. « Les animaux sacrés » sont présentés ailleurs avec quel amour, quelle pénétration ! car ils sont sacrés par ce que plus instinctifs, plus directs dans leurs réactions, donc plus près de Dieu. Dans « Le tombeau, appartement de luxe », nous pénétrons, en retenant nos respirations, pour ne pas risquer d’éveiller les êtres qui dorment depuis quatre mille ans. Presque tous ces tombeaux d’ailleurs, sont dissimulés, cachés, masqués, somptueux et clandestins, dans une profonde gorge minérale : c’est « La merveilleuse histoire d’une vallée ». Plus loin « Visages de Pharaons » et « Les grandes Reines » nous rendent présentes ces grandeurs que le temps et l’histoire faisaient inaccessibles. « L’inépuisable trésor » c’est cette vallée du Nil aux roches et aux sables pleins encore de l’héritage du passé.
Évoquant l’émotion « difficilement maîtrisée » qu’Howard Carter ressentit lorsqu’il ouvrit la tombe de Tout-Ank-Hamon [Toutankhamon] l’auteur avoue, lui aussi, n’avoir jamais cessé d’être ému au cours de sa carrière. Aussi ne faut-il pas s’étonner de ce que ces sentiments transparaissent dans ce livre : « Nous nous abandonnerons sans remords à l’étonnement bouleversant de pouvoir surprendre dans son atelier l’artisan du paléolithique, contempler le service de table du courtisan de la deuxième dynastie enterré en 2 700 avant Jésus-Christ, écouter les prières des prêtres des pyramides, nous pencher sur le visage momifié des plus célèbres pharaons. En vérité rien n’est plus fantastique que le réel lui-même.
On a dit que le plus court chemin vers soi-même faisait le tour de la Terre.
Comprenons bien cette phrase.
On peut, de nos jours, faire confortablement le tour du monde et en revenir aussi pauvre, spirituellement, qu’on était parti.
Le plus court chemin pour se comprendre soi-même passe par la connaissance des civilisations englouties et pourtant toujours présentes sur lesquelles la nôtre est édifiée. » ♦