Le Sahara français. Tome II
Dans la collection Pays d’outre-mer un volume entier a été consacré au Sahara français, autant qu’à l’Afrique du Nord : c’est la meilleure preuve de l’importance qu’a pris le désert dans notre vision du monde moderne.
La première partie de l’ouvrage décrit le milieu physique en insistant principalement sur l’aridité. L’auteur en donne une analyse bien incomplète, car les stations météorologiques sont rares et de date récente, mais qui laisse apercevoir des nuances régionales et des fluctuations dans le temps, d’où les impressions contradictoires que les voyageurs ont souvent rapportées. Ces fluctuations constituent une réplique atténuée des oscillations climatiques du Quaternaire qui ont amené, à plusieurs reprises, des conditions d’hydrographie et de vie différentes des conditions actuelles. Non seulement le relief en porte témoignage, avec son réseau de vallées profondément creusées dans les plateaux du Sahara central, mais les parois rocheuses sont un peu partout couvertes de gravures représentant des animaux disparus et les plaines les plus désertes sont jonchées de pierres taillées et de débris de poteries ; les techniques agricoles plongent leurs racines dans ce lointain passé relativement humide.
La deuxième partie passe en revue les populations du désert : Arabes, Touareg, Toubou, Haratin et leurs genres de vie à l’intérieur de cadres régionaux dont les linéaments se laissent deviner sous l’uniformité apparente du désert. Le long développement consacré à ces différents groupes humains se justifie moins par leur importance numérique – encore qu’au total il n’y ait pas moins de 1 700 000 habitants dans le Sahara français – que par la perfection des adaptations réalisées par chacun d’eux. L’ensemble forme une civilisation du désert sur laquelle l’auteur s’est penché avec sympathie pour en fixer les traits à un moment critique de son évolution.
Le Sahara, en effet, traverse une crise économique et sociale dont les deux causes essentielles sont la suppression de l’esclavage et l’introduction de moyens de transport mécaniques. Il en est résulté une décadence du nomadisme, l’abandon des cultures dans les oasis, un renforcement du courant d’émigration vers les régions périphériques, conséquences qui ont compromis et parfois annulé les heureux résultats qu’avaient eus la pacification, l’ouverture des pistes et le forage de nouveaux puits. Devant ce bilan de l’œuvre française qui fait l’objet de la troisième partie, certains taxeront l’auteur de pessimisme. Il est vrai que les ressources du sous-sol, dont l’importance n’a fait que se confirmer et se préciser au cours des derniers mois, doivent amener à bref délai la création de grands « ensembles » miniers et industriels dans certains secteurs du Sud Oranais et de la Mauritanie ; l’économie de ces régions en sera sans doute revivifiée. Mais, en tout état de cause, la mise en valeur de quelques points privilégiés suppose que l’alimentation en eau des agglomérations sera assurée et que les problèmes de transport, d’énergie et de main-d’œuvre seront résolus ; dans le reste du désert, où n’existent pas les mêmes perspectives, l’amélioration de l’élevage extensif et la consolidation du peuplement dans les oasis demeurent la condition de tout progrès.
On retrouve, dans la conclusion, une idée que l’auteur avait exprimée ici même dans un récent article. Certes on peut espérer beaucoup d’étendues immenses de terres vierges où l’homme se durcit dans une lutte quotidienne contre le climat ; encore faut-il mesurer exactement la force de l’adversaire et garder sous la main des auxiliaires aguerris. ♦