C’est un sujet à peu près inexploré que vient de traiter, avec beaucoup de sens historique et de talent d’exposition, un jeune agrégé de l’Université, M. Raoul Girardet. Il est heureux d’ailleurs de constater que les sujets militaires intéressent de plus en plus vivement, parmi les civils, ceux qui ont la charge de la formation des futurs officiers. Cet excellent livre en est un témoignage. Ce que l’auteur a cherché à nous donner n’est pas une histoire de l’armée française proprement dite ; il a tenté d’esquisser les rapports de la Société militaire avec la collectivité nationale. Un autre historien pourrait, de même, selon des méthodes analogues, étudier l’évolution de la magistrature ou de l’Université dans la Nation.

Ce livre, d’une inspiration très originale, cherche d’abord à définir la place qu’a occupée l’armée dans le cœur et l’esprit des Français, à préciser, en somme, les variations, à travers l’opinion, de l’idée militaire. L’auteur analyse également le recrutement même de cette société militaire ; enfin, il brosse un tableau de sa vie quotidienne, de ses habitudes, de ses traditions, de sa psychologie. Il a suivi un plan naturel et chronologique. De la Restauration à la chute du Second Empire, l’armée reste figée dans l’organisation des grandes lois de 1818. Après 1870, le service militaire universel sera progressivement réalisé par les lois de 1889 et de 1905.

Pour la première fois, et non sans courage, M. Raoul Girardet s’est attaqué à l’analyse d’idéologies adverses telles que le militarisme et l’antimilitarisme. Son œuvre, infiniment riche et cependant parfaitement composée et écrite, est comme une coupe à travers la société française bourgeoise du XIX^e siècle et la première partie du XX^e siècle.

La conclusion de l’auteur est que la structure de la société militaire, la conception de son rôle, de ses devoirs et de ses responsabilités, sa cohésion, son efficacité et sa grandeur, dépendent, en somme, de l’ordre qui sera demain celui de la Cité tout entière. Livre à conseiller à tous les éducateurs de notre jeunesse et, bien entendu, surtout de notre jeunesse militaire. ♦