Politique et diplomatie - Le problème de Chypre en 1979
Les faits sont trop récents et trop connus pour qu’il soit nécessaire de les exposer en détail. Quelques données toutefois permettent de mieux cerner le problème actuel de Chypre et les solutions qu’il est possible d’envisager.
Par sa superficie (9 250 km2) au troisième rang des îles méditerranéennes – après la Corse et la Crête – Chypre est située à 75 km au sud des côtes turques, à 100 km à l’ouest de la Syrie et à 900 km de la Grèce continentale. Au recensement de 1973, le dernier en date, l’île comptait 634 000 habitants : 81 % de Grecs, 18 % de Turcs, ou plus précisément de chrétiens parlant entre eux le grec et de musulmans parlant entre eux le turc. Dernière colonie britannique à obtenir l’indépendance, Chypre est devenue un État souverain, membre des Nations Unies, en 1960. Cette souveraineté était cependant limitée à plus d’un titre. D’abord parce que trois États étrangers : la Grande-Bretagne, la Grèce et la Turquie continuaient d’exercer sur la jeune République une espèce de tutelle, garantissant le respect de la Constitution du 16 août 1960 qui, dans ses articles fondamentaux, ne pouvait être modifiée ou ne pouvait l’être qu’à des conditions pratiquement impossibles à remplir. La Constitution définissait en effet les structures grâce auxquelles devait s’établir dans le domaine interne l’équilibre entre les deux communautés (la moins nombreuse étant ainsi protégée contre les empiétements de la communauté majoritaire) et, dans le domaine international, les rapports qui devaient s’établir entre le nouvel État d’une part, la Grèce et la Turquie de l’autre. Les trois puissances garantes : Londres, Athènes et Ankara se voyaient aussi reconnaître le droit d’intervenir collectivement ou individuellement pour assurer le respect de la Constitution et des Traités de Londres et de Zurich. Enfin, la Grande-Bretagne obtenait, en échange de l’indépendance octroyée, la souveraineté sur deux portions du territoire de l’île, constituées en bases militaires, à Akrotiri à l’extrême Sud, et à Dhekelia à l’Est.
La Constitution de 1960 instituait un système de gouvernement et d’administration « bicommunautaire », comparable à certains égards à celui qui fut mis en place, dans l’entre-deux-guerres, sous les auspices du Mandat français, au Liban. Ainsi le Président de la République chypriote devait-il être grec (1) et le vice-président turc (1). Une semblable dichotomie, proportionnelle à l’importance numérique des communautés – mais favorisant la minorité turque – était fixée à tous les échelons de l’administration. Aux termes de la Constitution, les représentants de la communauté turque, élus par elle, disposaient d’un pouvoir de veto, ce qui n’était pas le cas au Liban. Une autre différence, d’ordre politico-stratégique, avec le Liban est que la communauté turque de Chypre était fermement appuyée par une Turquie qui n’avait renoncé qu’à moitié à ses « droits » sur l’île et qui entendait protéger les Chypriotes turcs. Alors que les musulmans du Liban, théoriquement minoritaires, ne bénéficièrent guère de l’appui actif de leurs coreligionnaires les plus proches. La Syrie, qui pourtant n’a jamais formellement reconnu l’État libanais, n’est intervenue au Liban tout récemment que contrainte, et non pas en faveur des musulmans contre les chrétiens, mais pour assurer la survie d’un État qui risquait de s’effondrer dans la guerre civile.
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