Le drame du Bismarck
Voici un ouvrage d’un puissant intérêt, non seulement pour les professionnels, mais aussi pour toutes les personnes cultivées qui s’intéressent à l’activité maritime. L’auteur y expose avec une clarté et une compétence rares, les péripéties de cette dramatique chasse à courre qui, du 21 mai 1940, date de l’arrivée à Bergen du Bismarck et de son satellite – le croiseur lourd Prinz Eugen – se poursuivit jusqu’au matin du 27 mai où sonna « l’hallali » du géant national-socialiste (Hitler avait assisté à son lancement). Au cours de cette semaine, toutes les forces navales et aéromaritimes disponibles, de Scapa Flow jusqu’à Gibraltar, en passant par tout l’Atlantique Nord, furent lancées successivement à la poursuite du Bismarck et c’est seulement par l’action combinée de toutes les armes, torpilles lancées par avions, destroyers et même croiseurs lourds, obus de gros calibre tirés par quatre grands cuirassés ou croiseurs de bataille ; grâce aussi au contact, pris puis perdu par des croiseurs, repris par des avions et des destroyers, que le commandant en cbef britannique – amiral Tovey – put enfin anéantir son redoutable et valeureux adversaire.
Avec une grande indépendance de jugement, l’auteur formule de sévères critiques sur la manière dont fut conduit, par l’amiral Holland, le combat initial qui aboutit, dans le détroit de Danemark (aube du 24 mai) à la perte du Hood. Il nous révèle que, lorsque cet ancien mais puissant battle-cruiser fut volatilisé par une salve de 380 mm du Bismarck quatre minutes après l’ouverture simultanée du feu, il n’avait encore mis en action que la moitié de sa grosse artillerie (quatre 380 mm sur huit) et que, par suite d’une erreur due à la ressemblance des silhouettes, il avait pris pour objectif non le Bismarck mais le Prinz Eugen. L’auteur critique, avec la même indépendance, les graves déficiences constatées dans le fonctionnement des tourelles de 356 mm du Prince of Wales et du bâtiment Amiral King George. Il rend, finalement, un hommage généreux et mérité à la bravoure et à l’endurance de l’équipage et de l’état-major du Bismarck et à l’extraordinaire résistance du chef-d’œuvre de l’architecture navale allemande qui, réduit à l’état d’épave, flottait encore après avoir encaissé de trois à cinq torpilles et servi de cible à l’artillerie de gros calibre du Rodney et du King George V, tirant à bout portant.