Y a-t-il un dessein soviétique continu et cohérent à propos de l'Asie ? Pour l'Union soviétique (URSS), où et à partir de quand commence la déstabilisation ? Comment modifie-t-elle alors sa stratégie ? Quels risques peut-elle prendre pour la réaliser ? Comment sa politique asiatique s'insère-t-elle dans sa politique globale ? Telles sont les questions auxquelles répond l'auteur.
Visées et possibilités de Moscou en Asie
Il y a une différence majeure entre la vision soviétique de l’avenir de l’Asie et la vision chinoise. La vision chinoise, c’est le danger immédiat que l’Union Soviétique fait peser sur elle ; la vision soviétique est plus politique que militaire. L’interprétation soviétique de ce qui se passe en Asie s’inscrit dans le cadre d’une analyse politique générale beaucoup plus que dans le cadre d’une analyse d’un danger militaire immédiat et d’un conflit dont les Soviétiques n’envisagent pas, disent-ils, qu’il puisse éclater entre eux et la Chine.
Quand on parle de l’Asie, s’agissant de l’Union Soviétique, le terme a un sens intérieur et très large. Premièrement l’Asie, l’Union Soviétique y est. Exactement comme la Chine et le Japon. Elle en fait partie. À la différence des États-Unis, elle n’est donc pas une puissance extérieure. Mais, en même temps, aux yeux d’autres pays asiatiques, elle n’appartient pas à l’Asie, et cela la place dans une position ambiguë, compliquée et inconfortable. Elle est une grande puissance extérieure et en même temps elle ressent sur elle tout le poids de l’Asie à l’intérieur même de ses frontières, dans sa position géographique ; cela pèse sur toute son appréciation de l’avenir politique de l’Asie et sur ses capacités d’action.
Deuxième point : l’Asie, pour l’Union Soviétique, n’est pas seulement l’Asie telle qu’on la définit généralement, c’est-à-dire la Chine, le Japon, les pays de l’ASEAN, c’est un ensemble beaucoup plus large, c’est tout ce qui commence à ses frontières, y compris les frontières iraniennes ainsi que celles de l’Afghanistan qui la délimitent au sud, et je crois qu’on ne peut pas séparer cela du problème des frontières chinoises. C’est dire que l’ensemble asiatique, avec les problèmes de stabilité ou de déstabilisation de l’Asie, pour l’Union Soviétique, part de l’Iran pour aller jusqu’à la Chine et au Japon. Donc, elle a une vision globale de l’Asie, et tous ses objectifs et ses capacités d’action se situent dans cet ensemble complexe.
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