Cet exposé répond à certaines des principales questions que nous nous posions en organisant ce colloque sur l'Asie : celle des implications des conflits asiatiques dans les rapports soviéto-américains et celle de la marge de liberté de la politique européenne à l'égard de la Chine.
La déstabilisation de l'Asie et les interactions soviéto-américano-européennes
Cette brève intervention portera sur les rapports qui tendent à s’établir entre les deux « triangles » auxquels nous sommes habitués : États-Unis/URSS/Chine d’un côté, et États-Unis/URSS/Europe de l’autre. L’Europe a-t-elle un jeu qui lui soit propre entre l’URSS et la Chine ou bien est-elle simplement tributaire de ce qui se passe dans le triangle États-Unis/URSS/Chine ou encore dans sa propre région, prise comme elle l’est entre les deux Grands ?
Je voudrais préfacer ces remarques par un souvenir : en 1961, époque où je collaborais à l’Institut Français d’Études Stratégiques dirigé par le général Beaufre, celui-ci me dit un jour : « Le général Marshall a deux titres à la reconnaissance des Européens ; l’un est d’avoir fait appliquer son plan pour venir en aide à l’Europe, l’autre d’avoir perdu la Chine. Car si la Chine était restée dans le domaine occidental, on aurait eu des problèmes épouvantables pour la nourrir, pour assurer sa stabilité, tandis qu’aujourd’hui c’est à l’Union soviétique qu’elle crée des problèmes, ce qui en fait un facteur d’équilibre dont l’Europe, confrontée à la puissance soviétique, ne peut que se féliciter ». Alors je lui rappelai la parole du général de Gaulle qui estimait : « Sans doute la Russie soviétique, bien qu’ayant aidé le communisme à s’installer en Chine, constate-t-elle que rien ne peut faire qu’elle ne soit la Russie, nation blanche de l’Europe, conquérante d’une partie de l’Asie et, en somme, fort bien dotée en terres, mines, usines et richesses, en face de la multitude jaune qu’est la Chine, innombrable et misérable, indestructible et ambitieuse, bâtissant à force d’épreuves une puissance qu’on ne peut mesurer et regardant autour d’elle les étendues sur lesquelles il lui faudra se répandre un jour » (1).
Le général Beaufre rétorqua : « Çà, c’est pour plus tard ; dans une première phase la Chine sert l’Occident contre la Russie ; mais le jour viendra où il faudra peut-être s’allier à la Russie contre la Chine ».
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