La guerre mécanique et ses applications
Le major général Fuller est un soldat érudit et un chercheur passionné. Jeune officier, il prend part aux campagnes contre les Boers, plus tard il sert aux Indes, pendant la guerre 1914-1918 il commande sur le front français une unité de combat ; chaque étape de sa carrière est marquée par des études aussi riches en documentations historiques qu’en considérations philosophiques et en aperçus techniques.
Le général Fuller est en même temps un tacticien averti et un inventeur plein d’imagination ; sa personnalité apparaît dans le domaine de l’emploi des chars pendant la guerre 1914-1918 ; il envisage leur action en masse à la bataille de Cambrai dans l’espoir que l’intervention d’engins rapides protégés par leur blindage contre l’action destructive des mitrailleuses permettra, après rupture du front défensif, l’exploitation du succès. Il collabore ensuite, sous la direction du maréchal Foch, à la préparation de la campagne prévue pour 1919, dans laquelle on escompte que l’emploi d’un grand nombre d’engins blindés devra assurer la victoire.
Mis à la retraite alors qu’il a conservé toute son activité intellectuelle et toute sa vigueur physique, il assiste aux opérations des Italiens en Abyssinie, et effectue de nombreux voyages en Europe centrale ; il est reçu par Hitler et par Gœring, par Mussolini, par Badoglio, par Franco ; ses idées sur l’emploi en masse des chars se précisent et s’affirment, et il les expose dans de nombreux ouvrages.
La guerre éclair de 1940 ne pouvait le surprendre, pas plus que le débarquement des Alliés en Normandie, qu’il avait su prévoir. Son ouvrage La guerre mécanique, écrit en 1942 après la défaite de Rommel, constitue une véritable synthèse des idées que Fuller avait plus ou moins développées dans ses études antérieures.
Dans la première partie de l’ouvrage intitulée : « La guerre mécanique », l’auteur met en lumière les modifications que le progrès, et en particulier la machine, apporte au caractère de la guerre ; en effet, la machine diminue le rôle de l’homme et élargit le domaine de la guerre qui peu à peu devient de plus en plus totale.
Dans la deuxième partie, « Théorie de la guerre mécanique », Fuller montre que, du fait du progrès, les actions militaires s’exercent non plus dans les deux dimensions terrestres, mais aussi dans une troisième, la dimension aérienne. Il en résulte la nécessité d’assumer la protection des bases aériennes, qui, pour l’adversaire, constituent un objectif indiqué et aussi celle de faire prédominer, aussi bien dans la défense que dans l’attaque, le facteur « rapidité ». La troisième partie de l’ouvrage, « Pratique de la guerre mécanique », est plutôt consacrée à des considérations à la fois philosophiques et tactiques, basées sur l’étude des deux dernières guerres, à la recherche d’une doctrine d’emploi des engins mécaniques.
L’œuvre de Fuller, riche en idées nouvelles, est pleine d’intérêt. On pourrait lui reprocher de s’être laissé entraîner par l’abondance des sujets qu’il aborde, à négliger parfois l’objet principal de son étude : La guerre mécanique et de ne pas avoir assez mis en lumière les grands principes qu’il semble vouloir établir : 1° La machine étend l’action de guerre dans les trois dimensions et par elle la guerre devient totale ; 2° elle permet d’activer la force et la rapidité ; 3° elle exige des bases ; 4° elle condamne la défense passive liée au sol.