L’économie allemande sous le nazisme
« De tous les aspects de l’économie allemande c’est certainement la dynamique de cette économie qui a le plus frappé les observateurs. Ceux-ci ont été étonnés de la rapidité du relèvement économique de l’Allemagne ; aussi convient-il d’examiner de près l’évolution de l’économie allemande depuis 1933 et d’en chercher la portée réelle. » C’est ainsi que Charles Bettelheim précise l’intérêt d’une étude sur l’économie allemande sous le nazisme. Pour marquer son évolution, il détermine avec netteté le développement économique de l’Allemagne depuis 1860, la situation industrielle de ce pays au lendemain de la guerre de 1914, la crise de 1931, les rapports du national-socialisme avec l’industrie, les banques, le commerce et l’agriculture, le rôle de l’État, les relations de l’Allemagne avec le marché mondial.
Dans toutes les mesures prises par le nazisme, ce qui apparaît, suivant Bettelheim, c’est que ce régime, qui se prétendait « socialiste », a, au contraire, toujours protégé le capitalisme monopoleur, afin de s’appuyer sur lui. Non seulement les droits du capital ont été soutenus par le nazisme, mais ils ont été renforcés, et, dans ces monopoles, les banques ont joué un rôle de premier plan. La domination des banques sur l’industrie a pour aboutissement la fusion du capital bancaire et du capital industriel sous forme de capital financier. Les mesures administratives et législatives, prises par les nazis, ont renforcé les positions du grand capital. Pas de nationalisation, mais suppression des syndicats ouvriers et de la représentation ouvrière, institution de cartels obligatoires, politique d’autarcie, anéantissement du commerce juif, expulsion des petits entrepreneurs, des petits artisans qui sont forcés de s’enrôler dans la grosse industrie. Diminution du chômage, mais par l’enrôlement forcé de l’ouvrier dont les salaires ne sont guère augmentés. Mêmes procédés dans l’agriculture.
« C’est la conjugaison de la force économique du capital monopoleur et de capital banquier d’une part et de la force politique, militaire et policière de l’État qui a donné à ce dernier tous ses moyens d’action ». D’où le dynamisme apparent du nazisme qui, pendant quelques années, a étonné le monde. Mais, Bettelheim le souligne, cette conjugaison n’a pu se faire que par la subordination des intérêts politiques et économiques de l’Allemagne aux intérêts du capital financier. L’autarcisme du nazisme devait fatalement, pour sauver l’Allemagne d’une banqueroute, aboutir à cette guerre que préparait la politique d’armement. Et, s’il faut en croire Bettelheim, le même danger est à craindre de toute forme du capitalisme qui contient en puissance une structure économique analogue à celle de l’Allemagne nazie. « Une solution pacifique ne peut être trouvée que dans l’arène internationale. Le véritable problème est celui des échanges internationaux, celui de l’intégration de tous les pays dans une économie mondiale équilibrée. » Livre solidement construit, de pensée claire et d’un grand intérêt.