La route française : son histoire, sa fonction
Le sujet traité par M. Henri Cavaillès est nouveau. Il n’existait pas encore, en effet, d’étude sur le réseau routier français envisagé sous les différents aspects que peuvent lui conférer l’histoire, la géographie et la sociologie.
Élément essentiel de la sécurité et de la prospérité d’un pays, la route inscrit, dans le sol les efforts des gouvernements pour étendre leur pouvoir, pour assurer les tâches politiques, commerciales ou militaires qu’ils se sont tracées. Le livre de M. Henri Cavaillès montre d’une façon saisissante comment le développement du réseau routier est intimement lié aux vicissitudes politiques ; les périodes de pouvoir fort furent également celles qui virent un essor particulier de la route. Au sortir de la guerre de Cent Ans, Louis XI, qui institua la poste royale, fut le premier de nos rois à vouloir mettre au service de ses courriers et de ses armées, des voies de communication convenables. Un siècle et demi plus tard, Sully, à qui Henry IV avait confié la fonction de Grand voyer de France, entreprenait, de réaliser un réseau routier cohérent. Mais c’est à Colbert que l’on doit, sous l’inspiration des doctrines mercantilistes, la création d’une administration spécialisée de la route, le service des Ponts et Chaussées, qui n’a cessé d’être, depuis lors, l’ouvrier tenace de nos voies de communication. L’Empire, la Restauration, la Monarchie de Juillet, la IIIe République, complétèrent et perfectionnèrent l’œuvre de Colbert en l’adaptant, avec souplesse, aux exigences sans cesse renouvelées de véhicules de plus en plus lourds et de plus en plus rapides.
Il n’est pas possible de donner une idée complète du livre de M. Henri Cavaillès tant il abonde en renseignements précieux, en développements originaux, en aperçus curieux. On y suit avec intérêt, les différentes étapes de l’œuvre routière et, comme on ne saurait séparer la route de ses usagers, c’est également une véritable histoire de la circulation et du roulage qu’on y trouve : postes aux chevaux et aux lettres, messageries, diligences, nous entraînent le long des chemins de France, en de pittoresques voyages, qui nous conduisent jusqu’aux plus puissantes automobiles.
Qu’elle soit antique, chemin ou moderne autostrade, la route reflète les traits profonds de chaque région. M. Henri Cavaillès montre, avec maîtrise, comment la route française, aux visages divers et aux fonctions multiples, est l’expression matérialisée du génie accueillant et humain de notre race. Cette même route, par laquelle s’est propagée la civilisation, a facilité à la fois l’invasion de notre sol et sa libération et. M. Henri Cavaillès rappelle, dans les dernières pages de son livre, le rôle primordial de la route, dans la dernière guerre, qui fut, avant tout, une guerre de voies de communication. Toute étude reste à faire à ce sujet : nous espérons qu’un historien de la classe de M. Henri Cavaillès nous la donnera.