L’Italie telle que je l’ai vue
Le livre du grand diplomate italien Carlo Sforza est une magnifique synthèse de la politique italienne, pendant vingt ans, où il joua un rôle essentiel pour son pays. Ce n’est, d’ailleurs, pas autre chose, de l’aveu de l’auteur lui-même, qu’un témoignage direct sur les faits auxquels il a lui-même assisté et participé. Il a toujours été aux premières loges ; sa naissance illustre, ses brillantes facultés, ses dons innés de diplomatie en firent, très jeune, le conseiller écouté des chefs politiques de son pays.
Il fut, au début de sa carrière, un des témoins les plus attentifs et perspicaces de la Conférence d’Algésiras et de l’évolution méditerranéenne de la Triplice, du moins en ce qui concerne l’Italie. Ami et collaborateur de premiers ministres tels que Giolitti, dont il fut le ministre des Affaires étrangères, après avoir été le sous-secrétaire d’État de Nitti, il seconda les derniers efforts de ce sincère démocrate pour sauver la liberté italienne ; mais il prévit l’avènement du fascisme et fut un des premiers à lui refuser courageusement son consentement.
On lira avec passion les jugements impitoyables, fondés sur une connaissance directe des hommes et des choses, portés par Carlo Sforza sur le fascisme italien et sur son chef qui fait, dans son livre, figure d’un pauvre hère stupide et violent. Sans qu’il soit, ici, possible d’analyser par le menu toutes les thèses soutenues par l’auteur, il est cependant, de stricte justice de constater qu’il a toujours été aussi sincère dans ses convictions démocratiques que dans sa sympathie pour la France. Avec elle, il a toujours préconisé une politique d’étroite et intime entente pendant et après la guerre de 1914-1418, et aujourd’hui, encore alors que, rentré des États-Unis où il enseignait après s’être miraculeusement échappé de la France envahie où il s’était réfugié, chassé par le nazisme, il est devenu un des augures le plus justement écoutés de la diplomatie transalpine et l’une des autorités internationales des plus incontestées en matière de politique européenne et mondiale. Comme Nicolas Politis dont nous avons ici-même résumé l’ouvrage fondamental, Carlo Sforza est un apôtre inlassable de l’Interdépendance des Nations « qui doit s’affirmer pour la société humaine du XXe siècle par une déclaration analogue pour l’Amérique, à la fin du XVIIIe ».