Il est encore trop tôt pour se risquer à une analyse approfondie de la situation nouvelle créée en Asie centrale par l'intervention militaire soviétique en Afghanistan. La diversité des commentaires faits, ici ou là, pour interpréter cette décision du Kremlin, témoigne de la difficulté d'apprécier exactement les motifs et la portée de cet engagement massif de l'Armée rouge au-delà des frontières de l'Union soviétique. Mais pour mieux comprendre les implications locales et régionales d'un tel coup de force, il n'est pas inutile d'être éclairé sur l'Afghanistan d'aujourd'hui, qui sert de toile de fond à ce que d'aucuns considèrent comme le signal d'une reprise de l'affrontement entre l'Est et l'Ouest.
L'Afghanistan : terre d'intrigues et forteresse convoitée
Fondé, au XVIIIe siècle, par le Pachtoun Ahmad Chah, le royaume d’Afghanistan, devenu très rapidement l’objet des convoitises des Russes et des Britanniques, impose, par les armes, son accession à l’indépendance, qu’il obtient le 22 novembre 1921. La monarchie éprouve d’abord quelques difficultés d’ordre dynastique avant de se doter d’une Constitution en 1964. En juillet 1973, au terme d’un affaiblissement progressif de son autorité, elle doit céder la place à la république de Mohammed Daoud. Puis, le putsch d’avril 1978, en éliminant le président Daoud, porte au pouvoir une équipe d’opposants se réclamant du marxisme, réunis au sein d’un parti démocratique et populaire (PDP) mais incapables de faire taire des divergences qui valurent à l’Afghanistan cet état de crise quasi permanent, dont l’installation à Kaboul, par les Soviétiques de Babrak Karmal, est le dernier épisode. Ces quelques étapes, trop brièvement signalées, de l’histoire de l’Afghanistan (1) donnent une idée du sort réservé à cet État-tampon, constitué à la fin du siècle dernier (1887-1895), par la volonté de la Grande-Bretagne et de la Russie à l’intérieur de frontières artificielles englobant, et partageant même, des populations disparates. Leur nationalisme, éprouvé, n’a pourtant pas totalement réduit les antagonismes hérités de pratiques tribales et féodales d’une autre époque.
Véritable mosaïque de peuples, l’Afghanistan moderne reste soumis, dans sa vie politique, aux inconvénients d’une cohabitation rendue précaire par la persistance des luttes d’influence des ethnies, des tribus, des clans, des familles et de leurs clientèles. En outre, cette forteresse montagneuse, placée à l’un des carrefours stratégiques de l’Asie, à portée immédiate de l’Union Soviétique, a été, de tout temps, pour celle-ci une proie tentante.
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