Récemment, le Premier ministre Michel Rocard a effectué un voyage officiel dans le Pacifique. Une de ses étapes a été la visite aux îles Fiji, un de ces micro-États de ce vaste océan où la France veut et doit se maintenir pour des raisons autant culturelles et affectives que stratégiques et économiques. L'auteur, fidèle de la revue, nous livre ses réflexions sur les problèmes rencontrés par le gouvernement des Fiji, et sur sa façon de tenter de les résoudre. On y voit ainsi le général Rabuka devenu putschiste « par la grâce de Dieu » !
Les îles Fidji : coutumes et démocratie
Le décès de l’ex-Premier ministre fijien, le Dr Timosi Bavadra le 10 novembre 1989, a provoqué un vide politique important pour la communauté indienne dont il s’était fait le porte-parole. Élément fédérateur d’une gauche désunie, il était aussi un facteur de modération au sein de communautés aux réactions vives. Une disparition qu’on ne peut que mettre en parallèle avec la démission, effective le 5 décembre, du général Rabuka, chef des forces armées, de ses fonctions de ministre de l’Intérieur avec l’achèvement de la période intérimaire du gouvernement. Les civils, à nouveau à la tête des affaires de l’État, sauront-ils conserver leur pouvoir ou bien donneront-ils un nouveau motif à Rabuka pour un troisième coup d’État ?
En l’espace de six mois, les îles Fiji connurent en effet en 1987 deux putschs qui firent passer ce petit paradis de l’océan Pacifique Sud en un lieu de tensions et de haines politiques et raciales. L’affaire de la crise fijienne ne se résume malheureusement pas à un pouvoir confisqué par des militaires. On a assisté en fait à un coup d’État par procuration au cours duquel un militaire renversait un gouvernement inacceptable pour certains, de par sa composition ethnique et dont le programme politique était intolérable parce que jugé « gauchiste ».
Le piège de la monoculture
Le numéro 3 de l’armée fijienne, le lieutenant-colonel Sitiveni Rabuka, renversait au mois de mai 1987 le gouvernement travailliste du Premier ministre Timosi Bavadra, régulièrement élu en avril, qui avait mis fin à « l’époque Mara ». Cette alternance démocratique devait entraîner une réaction tout à fait « extraordinaire » de la part du pouvoir mélanésien qui, brisant la voix des urnes, arguait de son essence raciale pour refuser toute participation politique aux Indiens. Majoritaires au Parlement depuis l’indépendance, grâce à un système complexe, les Mélanésiens sont cependant minoritaires (46 %) face à la population d’origine indienne (49 %). Privés de leur victoire électorale, les Indiens tentèrent de réagir en usant de leur poids économique afin de faire respecter leurs droits civiques, révélant combien la dépendance de l’île était grande vis-à-vis du système de monoculture (1).
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