La Méditerranée n’est plus le Mare Nostrum de l’Antiquité mais constitue désormais un espace de fractures opposant Nord et Sud, malgré un destin commun. L’Europe ne peut pas se désintéresser de la rive Sud. Bien au contraire, il importe de reconstruire des passerelles de part et d’autre, ne serait-ce que pour éviter un naufrage hélas possible.
Parmi les livres : géopolitique de la Méditerranée
Among Books: Geopolitics of the Mediterranean
The Mediterranean is not longer the Mare Nostrum of antiquity but constitutes a space of opposing north-south fractures, despite a shared fate. Europe cannot disinterest itself from the south bank. Much to the contrary, it is important to reconstruct links from one part to the other, even if only to avoid an unfortunately possible catastrophe.
Depuis 2011, la situation dans l’espace méditerranéen a été totalement modifiée, les relations internationales y ont été bouleversées et une partie de cette zone est en ébullition. En effet, comme l’ont écrit Jean-François Coustillère et Pierre Vallaud (1), si l’on excepte l’Algérie, le Maroc, la Jordanie et la Mauritanie, la plupart des autres pays ont vu leurs alliances, leurs liens et leurs amitiés remis en question, en même temps que les contradictions de leurs sociétés étaient souvent exacerbées. Depuis qu’ont été écrites ces lignes (automne 2014), les problèmes auxquels se heurtait l’ensemble des pays méditerranéens n’ont fait que s’approfondir. À la dette grecque, s’est ajouté ce flux sans précédent de migrants, venus de Libye, de Syrie ou d’autres pays du Proche et Moyen-Orient, traversant à leurs risques et périls, les eaux de la grande bleue, pour débarquer sur les plages grecques et italiennes. Même les pays mentionnés ci-dessus sont loin de constituer des « îlots de stabilité ». En Algérie, les terroristes restent actifs, alors que l’après-Bouteflika n’en finit pas de s’étirer. On peut se demander combien de temps la Jordanie pourra supporter la présence de millions de réfugiés syriens établis sur son sol, sans qu’une solution de la guerre n’apparaisse en vue. Que dire enfin de la résurgence des conflits en Irak, le surgissement de Daech, les tensions turco-kurdes.
S’il convenait de ne retenir qu’un seul chiffre : celui des populations en dit long. De 1970 à 2015, la population euro-méditerranéenne est passée de 280 millions à 520 millions, dont 325 millions dans le Sud et l’Est. D’ici à 2050, l’Europe occidentale ainsi que l’Europe centrale et orientale gagneront peu d’habitants (passant de 517 à 532 millions), les Balkans occidentaux passeront de 24 à 22 millions et le voisinage oriental (Russie, Biélorussie, Ukraine, Moldavie, pays du Caucase) passera de 218 à 198 millions. Les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, Turquie comprise, passeront de 285 à 377 millions d’habitants. La grande région méditerranéenne comptera ainsi 185 millions d’habitants de plus. Trouveront-ils emplois, logements et sécurité ?
D’où l’intérêt de la synthèse actuelle de Jean-François Coustillère et Pierre Vallaud, ainsi que la réflexion portant sur La Méditerranée, espace démocratique ? sous la direction de Rostane Mehdi (2).
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