Billet – Vlad le petit
L’autre jour, je lisais un spécialiste expliquer doctement que Poutine n’était pas un grand stratège. Il aurait perdu l’Ukraine et n’aurait rien gagné en Syrie. Dès lors, pourquoi le qualifier de grand stratège et de remarquable joueur d’échec, qualificatifs souvent lus sous la plume de médias candides et de partisans russophiles ?
Que les journalistes ne soient pas toujours les meilleurs experts de la géopolitique, je l’admets bien volontiers. Qu’il y ait beaucoup de partisans de Poutine en France, c’est incontestable. Qu’ils tiennent des discours outranciers avec des arguments peu solides et une mauvaise foi confondante, cela devrait agacer tout lecteur sérieux. Mais tant qu’à parler de sérieux, est-ce une raison pour basculer soi-même dans la mauvaise foi ?
A-t-il perdu l’Ukraine ? Poutine ne dépense pas les 16 milliards d’euros qu’il était prêt à lâcher pour conserver l’arrimage : c’est le FMI qui doit écoper le naufrage financier ukrainien, pire que le grec. Il a récupéré la Crimée et personne n’imagine que l’on vienne la lui disputer un jour. Le Donbass n’a pas fait sécession tandis que la « Communauté internationale » lui reconnaît le droit à une certaine autonomie, comme affirmé par les accords de Minsk 2.
Autrement dit, l’Ukraine apparaît pour ce qu’elle est, un État failli, ballotté entre oligarques et groupuscules, ne suscitant plus aucun intérêt de la part de l’Ouest qui a bien d’autres chats à fouetter. Le Donbass, en Ukraine sans y être, constitue le moyen de peser sur Kiev et donc d’empêcher toute évolution radicale. L’entre-deux ambigu de l’Ukraine se poursuit donc et pour la Russie, elle ne constitue toujours pas un avant-poste de l’Occident : il y a pire « échec ».
Quant à la Syrie, qui ne voit que V. Poutine a changé la donne, politiquement (chacun admet désormais qu’Assad fera partie de la transition, sinon de la solution) mais aussi militairement ? Et plus personne n’ose écrire dans les grands médias que « Poutine est isolé ».
Je suis donc bien d’accord : Poutine est un modeste joueur d’échec, il ne calcule qu’à deux coups d’avance. Le seul problème, c’est que l’Ouest a toujours un coup de retard. Trois coups d’écart, cela suffit pour gagner.
Vlad n’est qu’un petit stratège ? Mais lui, c’est quand même un stratège… ♦