Colonel Romain-Desfossés, itinéraire d’un rebelle par amour de son pays
Colonel Romain-Desfossés, itinéraire d’un rebelle par amour de son pays
Romain-Desfossés (1908-1999) est un vieux para colonial quelque peu oublié. On nous le rappelle en titre, c’est un rebelle, engagé dans le putsch d’Alger d’avril 1961 : fin de carrière d’un bagarreur. Son neveu se fait le biographe du tonton – appellation familière qui ne lui aurait pas plu. Romain-Desfossés commence par l’Afrique, trois ans à Nguigmi, suivis d’un bref séjour en Mauritanie.
En 1938 il commande, au Nord-Est du Tonkin, Hoang Su Phi. Ce poste est voué aux originaux : son prédécesseur, colonial bien typé, partageait son temps entre la flûte et la chasse aux pirates, lesquels étaient bien en peine de déceler le moment où, lassé de la musique, il courrait à leurs trousses. Romain-Desfossés y fut un petit roi, heureux au milieu des Méos. Mais c’est à Tong, où il instruisait des élèves officiers, que le surprend, en mars 1945, le coup de force des Japonais. Colonne Alessandri vers la Chine, passage en Cochinchine avec la 2e DB, retour en France, où le mépris affiché par de Gaulle à l’encontre des « planqués » d’Indochine n’était pas pour lui plaire : ça commençait mal, ça finira de même. C’est que notre homme, constant dans ses convictions, possédait « un art consommé de se faire détester ». Il commande au Maroc un bataillon du 6e RTS (Régiment de tirailleurs sénégalais), est en 1948 à Meucon chez les paras, revient en Indochine en 1950 et saute à Nghia Lo investi par les Viêts. La jungle est son milieu favori qui, rude sans doute, permet d’éviter les embuscades. Il y gagne son surnom, point trop subtil, de « Gaulois des pitons ». Chemin faisant, ce grand conquérant a gagné le cœur de Gilberte, enlevée à son régulier et avec laquelle il reviendra en Indochine à la fin de 1953… Mauvaise pioche !
En octobre 1955, il prend au Maroc le commandement du 6e BPC (Bataillon de parachutistes coloniaux), avec lequel il saute à Foum el Hassan (eh oui !) et débarque à Blida en juillet 1957. En janvier 1960, il est à Philippeville. L’Algérie française est en question, d’où résulte la conjuration algéroise du 21 avril. Romain-Desfossés s’y lance à fond. Le général Challe (le livre donne de précieuses informations sur son comportement) n’y va qu’à reculons. Notre Romain-Desfossés eût alors bien aimé que de Gaulle y passa. Il apporta sa pierre à ce projet et le paya : il est mis en congé spécial en juin 1961. Le rebelle est à la retraite, mais ne renonce pas à ses lunes. Il les défendra dans la vie associative : l’ACUF (Association des combattants de l’Union française), puis l’UNP (Union nationale des parachutistes), lui serviront de tribune. ♦