La recherche stratégique n’est pas reconnue en France. Négligé par le politique, l’outil de réflexion existe à peine et est au mieux marginalisé dans le processus discriminatoire. Le constat est amer au regard des nombreux échecs et manquements qui ont touché la Défense.
La recherche stratégique : un mythe français
The strategic research: a French myth
The strategic research is not recognized in France. Neglected by the policy, the tool of reflection hardly exists and is more marginalized in the discriminatory process. The statement is bitter in regard of the numerous failures and breaches that have affected the Ministry of Defense.
La stratégie n’est pas un objet de recherche reconnu en France. Elle n’est pas enseignée à l’université ; elle est instrumentalisée dans les grandes écoles ; elle est négligée, voire ignorée, par le pouvoir politique. Seuls les financiers et les médias s’y intéressent mais pour leur unique profit et dans le champ restreint qui les concerne. C’est une sorte d’Arlésienne : on en parle beaucoup, on la convoque parfois, on ne la voit guère ! La raison en est simple : la politique occupe tout le terrain ou partage celui-ci avec la technique (juridique en particulier) ; ce duo est exclusif et n’entend pas sortir de ce tête à tête inefficace mais arrangeant. En réalité et depuis fort longtemps, la France n’est pas un pays « stratégique » : faut-il s’en accommoder et se complaire dans un « tout politique » dont nous savons qu’il nous condamne au court terme et, bientôt, à n’avoir plus que la force de commenter l’actualité ? L’affaire est sérieuse ; elle concerne notre destin car celui-ci, en tant que tel, ne peut s’inscrire que dans le temps long et dans les choix d’avenir.
La stratégie confisquée
Les soubresauts de l’histoire de France, autant que nos mentalités, peuvent expliquer – et non justifier – une telle marginalisation de la stratégie. La confusion du politique et du stratégique au sommet de l’État, avec les exemples fameux de Napoléon et de Gaulle, a laissé croire qu’il en était toujours ainsi et que tout homme politique, en même temps qu’il s’installait au pouvoir, était inspiré par le « Saint-Esprit » stratégique. Dans les temps agités que nous subissons mais où les responsables sont « normaux », l’altitude politico-stratégique est nécessairement moins élevée ; en outre, dans cette période de crise caractérisée par sa complexité où nous sommes englués, aucune personnalité ne peut appréhender toutes les questions dans leur globalité et dans leurs interférences. Il faut donc faire acte d’humilité, séparer les genres, répartir les tâches, travailler à « agir ensemble ».
La première difficulté à laquelle se heurte le chercheur est de délimiter le « champ » stratégique. Qu’est-ce que la stratégie ? Est-ce simplement l’art de la guerre comme au XVIIIe siècle du Grand Frédéric ? Est-ce la démarche conjointe qui lie la diplomatie et l’emploi de la force ? Est-ce la « technique des techniques », la science de l’organisation comme le croit l’école du management ? Si l’on se laisse guider à la fois par l’étymologie et par l’épistémologie, et surtout par le bon sens et l’expérience historique, la stratégie serait avant tout une méthode, celle qui permet de « penser l’action » et l’ayant pensée, de la préparer, de l’organiser et de la conduire. Dans ces conditions, inutile de la cantonner à un domaine, fût-il militaire, dangereux de la récupérer pour une cause, car elle serait trompeuse. La stratégie ne peut pas être enfermée dans un manuel comme un livre de recettes ou un prêt-à-porter commun ; elle n’appartient à personne mais elle devrait être utile à tous, dans tous les domaines des activités humaines.
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