« Les peuples muets du monde ont la parole ». C'est en ces termes que le 17 avril 1955 le président indonésien Soekarno ouvrait la conférence afro-asiatique de Bandoeng. Aujourd'hui, les « peuples muets » ne tiennent plus le même discours. À une aspiration de l'unité se sont substituées des discordances telles que l'on ne peut plus parler de Tiers-Monde. Le non-alignement, qui prend à Bandoeng la valeur d'un principe de politique internationale dans l'affrontement Est-Ouest concrétisé par la cristallisation du bloc communiste et par l'organisation de l'ensemble occidental, n'est plus qu'un alibi pour certains États.
Le schisme sino-soviétique, l'accession de tous les États africains à l'indépendance, puis les ébranlements du continent noir, les drames du Sud-Est asiatique, les tensions de l'Amérique latine, etc., sont autant de causes politiques qui expliquent que le mouvement né à Bandoeng n'a pas maintenu son unité. À ces facteurs de dissociation se sont ajoutées les conséquences de la crise provoquée par les hausses considérables du prix du pétrole. Certains pays du Tiers-Monde sont à l'origine de ces hausses et en ont retiré des bénéfices colossaux. D'autres, non producteurs de pétrole, en ont subi directement le choc, s'en sont trouvés encore plus appauvris, et leurs perspectives de développement en apparaissent lourdement affectées.