Guerre et stratégie : approches, concepts
Guerre et stratégie : approches, concepts
Guerre et stratégie est un ouvrage fondateur pour deux raisons principales : il rassemble les meilleures contributions en français d’un champ d’études – les War Studies – aujourd’hui dominé par les publications en langue anglaise ; il constitue également un des actes de lancement de l’association pour les études sur la guerre et la stratégie (AEGES) créée cette année (www.guerre-strategie.com).
Les trois co-directeurs de l’ouvrage sont membres du conseil d’administration d’AEGES. Joseph Henrotin est docteur en science politique, chargé de recherche à l’Institut de stratégie comparée (ISC) et au Centre d’analyse et de prévision des risques internationaux (Capri) ; il est aussi rédacteur en chef de la revue Défense & sécurité internationale (DSI). Olivier Schmitt est docteur en relations internationales et chercheur au Centre d’études et de recherches internationales de l’université de Montréal. Stéphane Taillat est docteur en histoire militaire et études de défense, et chercheur au centre de recherche des écoles de Saint-Cyr-Coëtquidan.
Dans leur introduction, ces chercheurs décrivent par ces mots la situation de la pensée sur la guerre en France : « La quadrature du cercle est ainsi réalisée : en n’étant pas reconnues en tant que telles, les études stratégiques ne drainent pas avec elles un corpus méthodologique élémentaire, impliquant en retour une production médiocre et ne pouvant que délégitimer l’intérêt académique pour elles ». Chacune des trois parties de Guerre et stratégie a alors l’ambition d’illustrer la pertinence des agendas de recherche d’une pensée stratégique qui a encore besoin, en France, d’être reconnue et appropriée par les sciences humaines et sociales. L’histoire, les sciences politiques et les relations internationales, disciplines classiquement tournées vers une réflexion stratégique, ne couvrent pas l’ensemble de l’éventail profondément interdisciplinaire des études sur la guerre. La géographie, le droit, la sociologie, l’éthique mais aussi l’anthropologie, la philosophie, l’économie, la psychologie, etc., sont également indispensables si l’on veut produire collectivement une réflexion solide et innovante.
Les articles des experts français mais aussi étrangers sont répartis selon trois grands thèmes : le cadre de l’action, l’analyse stratégique et les concepts stratégiques. Il n’est malheureusement pas possible ici de présenter les contributions de grande qualité des nombreux experts qui se sont investis dans la production de cet ouvrage fondateur. Citons tout de même le conseil de l’un d’entre eux, Benoist Bihan, qui traduit ainsi l’état d’esprit général du livre : « Il est important pour le chercheur comme pour le praticien de ne pas chercher à faire rentrer la guerre dans un modèle, mais au contraire de prendre ces modèles pour ce qu’ils sont, des reflets d’une conception spécifique de la guerre ».
La pensée stratégique est un outil d’aide à la compréhension des relations sociales et politiques, mais il est important qu’elle s’inscrive aussi dans un projet critique qui questionne les idées reçues, bouscule les inerties et suscite l’innovation. Comme le souligne Paul Venesson dans l’avant-propos : « Contre les illusions de l’extension à outrance des “nouvelles études de sécurité”, la stratégie rappelle aux spécialistes de sciences sociales le caractère extraordinaire des forces de violence et de contrainte physique, et la nécessité continue de les prendre pour objet et d’interroger leurs conséquences politiques ». La pensée stratégique, qui s’irrigue de savoirs théoriques et pratiques imbriqués, a une finalité résolument tournée vers l’action. ♦