Charles le Téméraire
Charles le Téméraire
Charles le Téméraire est un bien beau héros. Georges Minois ne s’y est pas trompé, se faisant son biographe. Grâce aux Mémoires de Commynes, on connaît presque tout du Comte de Charolais, fils de Philippe le Bon et d’Isabelle du Portugal. Il régna sur la Bourgogne de 1467 à 1477, règne bref dont son pays eut beaucoup à souffrir, et qui se termina en désastre.
C’est que, technocrate typique avant que le mot n’existe, « le Téméraire » eût pu aussi bien être nommé « le Prudent ». Excellent planificateur (il n’édita pas moins de cinq grandes ordonnances militaires), il fut nul dans l’action. Triste sire au sens propre : en ses dernières années, « luy avait Dieu troublé le sens et l’entendement », occasion pour Philippe de Commynes de prodiguer (p. 474 et 475) de judicieux conseils aux dépressifs. Deux des sièges que Charles entreprit, celui de Neuss (1474) et celui de Nancy (1476), précipitèrent sa chute, dont se réjouit notre Louis XI qui le tenait pour fou. On ignore les circonstances précises de la mort du Téméraire. On retrouva dans la neige, aux environs de Nancy assiégé, son corps profané.
Georges Minois, par le truchement de son héros, nous peint son époque. On reprocha à Charles de s’être fourvoyé dans des luttes fratricides quand « le Turc » était l’ennemi n° 1 de la chrétienté. On découvrira avec intérêt les Suisses d’alors qui, avant de louer leurs services, guerroyèrent pour leur propre compte et fort énergiquement. On appréciera de voir Commynes traiter les artilleurs de « gens mécaniques » et citer un contemporain qui, parlant de son temps, parle du nôtre : « Le monde est vieux, tout plein de maladie et de lourde bêtise (…) Sa ruine approche, on en voit signe, car nous sommes le résidu de ce monde esperdu, triste et perdu ». ♦