Foreword–2016: The Word of the President
Préambule - 2016 : le mot du Président
Chères lectrices et chers lecteurs de la Revue Défense Nationale, l’équipe « RDN » vous souhaite une bonne année 2016.
Étrangers et Français, vous formez une communauté unique de réflexions et de débats utiles à ceux qui veulent comprendre le monde comme à ceux qui ont la responsabilité de la sécurité de leurs concitoyens.
L’intérêt général exige que nous poursuivions ensemble sur cette voie, car plus que jamais, dans un contexte stratégique bien différent de celui de 1952, mais pas moins dangereux, l’apostrophe du général de Gaulle dans son discours de Bayeux a du sens : « La défense ! C’est la première raison d’être de l’État. Il n’y peut manquer sans se détruire lui-même ».
Il y a un an, trois thèmes paraissaient pertinents pour aborder l’année 2015.
Le premier concernait « le monde métastable qui se transforme sous nos yeux » avec, pour éclairages, la stabilisation en Europe, la question islamique, l’appropriation des espaces sans frontières et la question du climat, sans oublier la dissuasion nucléaire.
Le deuxième concernait la « transformation du ministère de la Défense », avec l’implantation à Balard, dans un mouvement ensuite baptisé « la révolution à la française des affaires militaires » pour faire le pendant gaulois à la « Révolution dans les affaires militaires ou RMA » d’essence technologique qui avait pris sa source il y a vingt ans aux États-Unis.
Le troisième portait sur « la capacité des armées françaises à conserver dans la disette budgétaire la cohérence opérationnelle qui fait leur force actuelle ».
Tous ces sujets ont été traités au cours de l’année, avec un succès réel, en particulier ceux qui s’adressaient au public de plus en plus large qui cherche à comprendre les désordres multiples du monde actuel.
À titre d’exemple, on peut citer :
• Le numéro d’été sur le monde nucléaire, épuisé rapidement dans sa version papier, et qui a nourri les débats récents dans les médias.
• Celui sur la COP21 commandé à 700 exemplaires par le gouvernement en vue d’une conférence internationale en préalable aux négociations de décembre qui ont permis de signer l’accord historique de Paris.
• Celui consacré à Balard, car il a valeur d’exemple pour l’ensemble du gouvernement. En effet, il ne faut pas l’oublier, c’est le ministère de la Défense, et lui seul au sein de l’exécutif, qui a pris à bras-le-corps la mise en œuvre de la Lolf en refondant profondément son organisation interne. Bel exemple pour les autres ministères…
• Celui consacré à « l’Armée de terre au contact », car tous nos concitoyens, en particulier dans les villes, mesurent au quotidien le bien-fondé de cette présence rassurante à leurs côtés. Il aura d’ailleurs des prolongements dès ce numéro au moment même où le SGDSN rend son rapport sur la menace sur le sol national.
Aujourd’hui, cette analyse, qui n’avait en réalité de prophétique que du bon sens appliqué, a été dramatiquement confrontée à la réalité et confortée hélas par l’actualité.
La société française a été traversée par des attentats criminels frappant en janvier des communautés particulières puis en novembre le peuple sans distinction. Un État autoproclamé nous a déclaré par « écrits » la guerre depuis plus de dix ans (en 2005 selon Gilles Kepel) afin de nous détruire. Ne reproduisons donc pas, par faiblesse d’âme, l’aveuglement de 1925 (publication de Mein Kampf, traduit en français seulement en 1934) quand la destruction de la France y était alors revendiquée.
Les militaires et, dans les conflits « modernes », de plus en plus les civils savent le tragique de l’histoire quand elle est négligée.
La France est donc en guerre.
Elle doit plus que jamais « penser à la guerre » qui impactera sans doute pour longtemps son quotidien. Elle est entrée dans une guerre qui se déroule sous un mode hybride propre à ce siècle. Cette guerre utilise les moyens du combat de haute intensité à l’extérieur du territoire national et les moyens de l’État de droit (renseignement, police, justice) sur le sol national. Elle doit donc dans le même temps « penser la guerre ».
La définition de l’ennemi entre à l’évidence dans cette perspective, et on ne peut que se réjouir lorsque des colloques de haut niveau retiennent ce thème à l’automne 2015. La parole a été libérée à tous les niveaux et c’est salutaire.
Enfin, le Livre blanc de 2013 soulignait fort justement les « menaces de la force » et leur pendant, les « risques de la faiblesse ». Aujourd’hui, et au titre même de ce caractère hybride, on écrirait sans doute d’un seul trait « les menaces de la force et les menaces de la faiblesse ». C’est une proposition pour le prochain Livre blanc.
Les autres sujets de préoccupation, estompés par les attentats, n’ont pas disparu. Certains d’entre eux seront développés en 2016 et tisseront sans doute une trame géostratégique plus soutenue que naguère au fil des éditions mensuelles.
En premier, la stabilisation en Europe ne semble plus être un acquis pour les générations futures. Le Traité de l’Élysée a concrétisé la fin des rivalités franco-allemandes depuis 1963. La chute du Mur n’a pas eu les mêmes résultats, force est de le constater.
L’Union européenne, faute de but stratégique, peine depuis l’origine à décider de sa sécurité seule et avec ses alliés.
La Russie a des intérêts stratégiques invariants, depuis Pierre Le Grand, tels que l’accès libre à la mer et bien d’autres encore, que l’on ne peut ignorer sans se tromper. Dans cette perspective, le rôle du nucléaire sera remis en lumière.
La mondialisation ensuite oblige.
L’effet « maïeutique » du terrorisme aura été de faire prendre conscience que les intérêts de la France n’ont pas de frontière physique.
La mondialisation oblige alors à examiner comment pérenniser la liberté de commercer et de circuler, pour les biens comme pour les personnes, oblige à assurer l’accès aux ressources énergétiques indispensables à l’économie, oblige à contrôler nos propres réserves de richesse, à commencer par notre immense zone économique maritime.
La gouvernance mondiale est ainsi en jeu. Le rôle des acteurs majeurs, États-Unis et Chine, est crucial, celui des acteurs régionaux tout aussi fondamental.
Enfin, l’évolution de notre appareil de défense, dont la performance a été saluée urbi et orbi (1) fera l’objet d’analyses et de propositions. Le prochain rendez-vous démocratique de 2017 se prépare dès maintenant.
La Revue Défense Nationale continue de se moderniser pour traiter au mieux de tous ces sujets. Un comité de rédaction de très haute qualification œuvre désormais, en appui de la Direction. Le site numérique sera renouvelé au cours de l’année, pour prendre en compte son évolution rapide depuis 2011.
Tout cela est de bon augure pour 2016.
Je vous remercie de votre confiance. ♦
(1) Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, l’US Navy a confié à un allié un commandement opérationnel de sa propre chaîne nationale à savoir la Task Force 50 dont le chef est un amiral français embarqué sur le Charles-de-Gaulle.